VENGEANCES MARINES

9 août 2019

 

Les grands romans offrent plusieurs lectures possibles qui ne rélèvent pas forcément à l’occasion de la première découverte. Qui plus est nous avons changé, vécu, depuis notre première prise de contact et les mêmes mots ne touchent plus notre coeur et notre âme de la même façon.

Relisant Moby Dick quelque temps après Vingt mille lieues sous les mers, je vois entre ces deux « romans d’aventures » un point commun que je n’avais pas perçu : leurs personnages centraux, les capitaines Nemo et Achab, protagonistes/antagonistes des narrateurs fictifs (Ismaël/le professeur Aronnax), sont à bord du Nautilus ou du Pequod pour assouvir une vengeance dont l’objet même et la poursuite obsessionnelle finissent par constituer une menace pour leur propre équipage – et l’humanité elle-même dans le cas de Nemo.

La lecture de Frankenstein, le chef-d’oeuvre de Mary Shelley[1]  encouragea, semble-t-il, Melville dans la folle entreprise de l’écriture de Moby Dick. Est-ce donc un hasard que la première vision de l’infortuné Victor Frankenstein, fuyant la vengeance de la créature qu’il a imprudemment lâchée dans la nature, apparaît au narrateur au milieu des icebergs, pendant une exploration maritime ?

L’océan, lieu privilégié des rêveries et des méditations philosophiques, n’est pas un lieu hors du monde : les massacres et crimes en tout genre s’y déroulent et à son horizon se déploient des libertés sans frein : celles de la poésie comme celles des passions rouge sang.

 



[1] Encore un de ces livres à la fois très connus et jamais lus. Cf ma note de blog du 22 janvier dernier