UN MÂLE POUR LE BIEN

31 octobre 2019

Les lecteurs de ce blog ont échappé de justesse à « SOIGNER LE MALE PAR LE MALE », mais ce titre démontre, s’il en était besoin, que je ne résiste jamais à un mauvais jeu de mots.

Après mon post au sujet de la crise du mâle, je me vois engueulé poliment par un lecteur qui me reproche de tomber dans un piège en désignant le président Trump comme prototype du mâle toxique, un concept qu’il récuse, jugeant de façon plus ou moins explicite, qu’en matière de toxicité la femelle n’a rien à envier au mâle. Je m’apprêtais à m’écrier : « Houellebecq, sors de ce corps ! », lorsqu’une référence donnée par mon contradicteur m’a attiré l’oeil. À côté de Roland Barthes il citait un jeune romancier que j’ai bien connu  – qui se souvient de Marie en quelques mots , premier livre d’Antoine Audouard, paru en 1977, à part un ou deux critiques d’un certain âge ?

Pour en revenir à la « nouvelle masculinité », le magazine GQ en donne une version plus souriante que celle de Harper’s, plus coûteuse aussi. M. Pharrell Williams, icône hip-hop, se montre en couverture dans un manteau jaune à plis et replis, du type qu’on imaginerait  mieux porté par la  duchesse de Kent pour un mariage royal. Entre deux pages où il est photographié dans toutes sortes de tenues, M. Williams expose sa philosophie – une sorte de bouddhisme Chanel où on se déplace en Mercedes Benz silencieuse,  où on ferme les yeux pour méditer avant de passer à table dans des restaurants de luxe, où l’on devient un homme un vrai en reconnaissant sa part de féminité. Le manteau  milieu de gamme tourne autour des 10.000 dollars, les bijoux et montres  tournent autour des  50.000 et certains prix d’accessoires ne sont même pas donnés – il est recommandé de contacter la marque. Bref, pour 100.000 balles, il est tout à fait possible d’échapper à la masculinité toxique pour contacter le féminin en soi. Comment feront les pauvres ? Vous savez, les pauvres… en dehors de cas d’exception, comme le père et l’oncle de M. Williams, ils se situent entre ceux d’Affreux, sales et méchants et ceux de Parasite. Irrécupérables… C’est un miracle que M. Williams, autrefois l’un d’entre eux, ait pu accumuler assez de biens pour devenir  ce « mâle bien » qui nous fait rêver.

 

Références :

Le prix des mocassins Pharrell Chanel n’est pas indiqué, le cardigan Prada est à 1.704 dollars,  les pantalons St Laurent à 990, les manteaux commencent à 1705, des chemises Armani à 525. Si vous  voulez faire des économies en vue de la montre Richard Mille à 982.000, vous choisirez les boxers à 65 et le lot de 3 chemises Human Made à 66.Un conseil : ne radinez pas. Être un mâle bien  comme ils disent chez Mastercard, priceless. Et qui sait, amis lecteurs, vous finirez peut-être sur la couverture de GQ, ce qui fera plaisir à vos mamans, amies, épouses.

Plus sérieusement, il n’est jamais trop tard pour recommander la lecture de l’épatant Mythe de la virilité, de la remarquable philosophe Olivia Gazalé. (éditions Robert Laffont , 2017)