Le retour des enfants à la maison après l’école a souvent été pour moi l’occasion d’un triomphe.
-Papa, est-ce qu’on a ?
Cochez la case :
Carmen, de Prosper Mérimée
La Ronde de nuit, de Patrick Modiano
Les Justes, d’Albert Camus
Le plus souvent on a et – plus fort !- je sais plus ou moins où le bouquin a pu atterrir après ma dernière tentative de rangement.
Récemment mon plus jeune fils s’était vu assigner en espagnol un volume de contes de Garcia Marquez. « Chouette ! » me suis-je exclamé, soulagé pour lui qu’on ne lui imposât pas le théâtre complet de Lope de Vega (rien contre mais ça doit être coton).
« Tu l’as lu ? ». « Je crois. » Vérification faite, j’avais bien lu les nouvelles rassemblées sous le titre Histoire de la candide Erendira et de sa grand-mère diabolique », mais pas les Doce Cuentos peregrinos autour duquel mon jeune Ivan tournait comme autour d’un sac contenant du poisson périmé. Sur ce, miracle, je l’ai trouvé : Douze contes vagabonds, une petite édition en Livre de Poche que j’avais achetée, mais jamais lue.
Préface de l’auteur. Livre-concept : les personnages centraux sont tous des Latino-Américains en exil et chacun des contes se déroule dans une ville ou une île d’Europe.
Je suis affecté en lecture comme en écriture d’un ralentissement heureux : c’est entre autres pourquoi il m’a fallu plus d’un mois pour lire les 160 pages du volume. Il se promenait partout avec moi, et je devais souvent m’interrompre pour souligner un passage ou une image qui m’enchantaient (Genève : « Il était un inconnu de plus dans la ville des inconnus célèbres. Sa présence à mes côtés était pour moi la chronique d’un bonheur annoncé.») Je viens de le refermer sur La trace de ton sang dans la neige. Ce dernier conte est, explique le grand GGM dans sa préface, un des premiers écrits. Chacun illustre à merveille cette expérience d’écrivain que l’auteur décrit dans sa préface : « L’écriture est devenue si fluide que par moments je me sentais emporté par le simple plaisir de la narration, qui est peut-être l’état de l’homme qui s’apparente le plus à la lévitation. »
Référence : Douze contes vagabonds, de Gabriel Garcia Marquez, traduction d’Annie Morvan. Edition originale chez Grasset, réédition collection le Livre de Poche.