Follohoueurs, follohoueuses !
Vous pouvez vous demander qui est ce petit binoclard avec une guitare sur la photo. Un écrivain dont vous ignorez le visage, un cinéaste ukrainien ? John McLaughlin jeune ? Jimi Hendrix jeune ? L’enfant caché de Django Reinhardt ? J’arrête là car (teaser), le vrai quiz vient. Réponse :
None of the above.
Ce jeune homme des années 1970, d’où probablement le pantalon pattes d’eph (pas visible sur la photo) est le docteur Jean-Philippe Monpezat (pas Montpezat) – enfin il est pas encore médecin au moment où la photo est prise, par notre ami commun Jean-Luc « de la Seyne/sur mer » Matteoli, rencontré en 1972 au cours d’un voyage linguistique dans un pays qui s’appelait encore l’Union Soviétique et dont le maître s’appelait (quiz n°2) :
- Akaki Akakiévitch Bachmatchkine ;
- Joseph Vissarionovitch Djougachvili, dit Staline ;
- Nikolaï Sergueïevitch Krouchtchev ;
- Mikhaïl Sergueïevitch Gorbatchev ;
- Aleksandr Sergueïevitch Golovin ;
- Boris Nikolaïevitch Yeltsine ;
- Boris Vassilievitch Spassky ;
- Boris Leonidovitch Pasternak ;
- Léonid Ilitch Brejnev ;
- Vladimir Ilitch Lénine
- Leonid Nikolaievitch Andreiev ;
- Lev Davidovitch Bronstein, dit Trotsky.
- Vladimir Fedorovitch Dostoievsky ;
- Lev Nikolaïevitch Tolstoi
- Leonid Leonidovitch Leonidas ;
- Leonid Grigoriévitch Ivashov ;
- Leonid Grigoriévitch Ivanov
- Anton Pavlovitch Tchekhov ;
- Vladimir Vladimirovitch Poutine ;
- Youri Alekseïevitch Gagarine ;
- Youri Vladimirovitch Andropov ;
- Ivan Dmitrich Tcherniakov
- Stepan Vladimirovitch Kouzmine
Pour ceux qui ont trouvé tout de suite, pas bravo, c’est trop facile ! Soit vous êtes né avant 1960 et il n’y a pas de quoi être fier d’imposer comme moi la charge de vos retraites aux forces vives de la jeunesse, soit vous êtes de la famille Carrère d’Encausse.
Indices pour les autres :
Il ne s’agit ni de Staline, ni de Trotsky ;
Le prénom n’est ni Vladimir, ni Youri, ni Boris, ni Ivan, ni Anton, ni Akaki, ni Aleksandr.
Le patronyme n’est ni Leonidovitch, ni Sergueïevitch, ni Pavlovitch, ni Grigoriévitch, ni Vassilievitch, ni Nikolaïevitch.
Le patronyme se rapproche de celui du père fondateur de la grande Union soviétique, la vraie.
Pendant que vous réfléchissez je rappelle que ça n’était pas le sujet de ce slog, il s’agissait de notre pote Jean-Philippe, surnommé « Rhône » par Jean-Luc, je ne sais plus bien pourquoi (moi c’était « Chouraviot », un rapport avec une B.D.). Pourquoi « Rhône » avait choisi russe deuxième langue, chais plus ; moi c’était rapport à ma grand-mère bulgare (ouais sous cet Audouard se cache une Drenovska) ; Stéphane (Stepan Vladimirovitch), c’était parce qu’il était russe et que son père Vladimir (Vlado pour les intimes) parlait couramment sa langue maternelle avec sa tante Sonia, qui avait étudié le piano au conservatoire de Moscou avec Serguei Rachmaninov. Stéphane avait un accent parfait – meilleur que celui de la prof, Mme Lazarus (I’m not making this up) en tout cas alors que Jean-Philippe et moi on était de bons élèves bûcheurs. « Monpedzouille », comme il se surnommait lui-même, était un asthmatique chronique et un comique également chronique qui provoquait constamment les plus costauds que lui et s’en sortait toujours par une pirouette ou une vanne. Pourquoi en plein mois de juillet a-t-il débarqué à Orly avec un parapluie en plus de sa petite valise, je ne lui ai jamais demandé. On partageait la même chambre à l’auberge de jeunesse de Sotchi où l’essentiel du séjour s’est déroulé, et on a lui a tout fait : lit en chapelle, lit en cathédrale – on lui a à moitié cassé sur ce coup-là, puis bricolé pour maquiller notre forfait.
Après des études brillantes, Jean-Philippe est devenu médecin généraliste et chercheur ; de notre petit groupe d’amis, c’est le seul qui pratiquait assez couramment pour prendre part à des congrès (à Moscou, en Ukraine) ; l’ayant perdu de vue pendant des années, je l’ai retrouvé grâce à l’un de mes fils installé dans un cabinet de médecine générale à Neuilly (l’avait pas eu beaucoup de chemin à parcourir, venait de Levallois où – précision – son papa était garagiste, pas suppôt du couple Balkany). On s’est revus : mauvaise hanche, le gars, un peu bossu et ventre qui proémine au centre de sa petite taille, mais canne en avant il y allait à fond. Le même con me racontait ses histoires de médecin à Neuilly, les bourgeoises un peu alcooliques, les éboueurs, ceux qui n’arrivent pas à partir parce qu’ils ont attendu la toute fin pour demander l’ordonnance de Viagra et qu’ils n’osent pas dire le nom, ils parlent de « la pilule bleue, là, vous savez ». On a même fait une réunion d’anciens de l’URSS avec Jean-Luc (aussi perdu de vue, costaud le « beau blond » fils de docker, devenu prof de français) et Marianne « de Belles Rives », retrouvée par hasard l’année d’avant. On a ri, on a bu, on a évoqué des souvenirs et on s’est promis de se revoir bientôt. Pendant l’hiver 2019-2020 j’ai parlé avec « Rhône » deux ou trois fois : au début, ça l’énervait cette affaire de Covid 19, pourquoi on en faisait tout un plat alors que la grippe passait dans l’indifférence ?
Puis il y a eu le mois de mars et on s’est confinés, lui à Neuilly, moi dans le 10e. Au printemps il a réouvert son cabinet et eu, me disait-il au téléphone, « plus de patients qui ont peur du covid que de patients qui l’ont pour de vrai ». On devait se revoir, les mois ont passé, un mail de temps en temps, un appel, le temps qui passe. Et puis au début de cette année, plus de réponse. J’ai l’habitude, Jean-Luc est pareil, il « hiverne » de temps en temps et puis il t’appelle d’un coup, comme ça. Arrive l’été, toujours pas de nouvelles et en plus à ses deux numéros (le cabinet et son portable), le message qu’on n’aime pas : « il n’y a plus de Gabonais au numéro que vous avez demandé ». Je ne connais personne d’autre de sa famille, Jean-Luc et Marianne n’en savent pas plus que moi, et gougueule me donne toujours l’adresse de son cabinet avenue du général de Gaulle à Neuilly, l’ancienne avenue de Neuilly, avec le téléphone qui ne répond plus. Ce con a déménagé sans prévenir, il s’est installé en Ukraine avec une jolie joueuse de balalaïka ? Retour de vacances, je m’apprête à aller faire un tour du côté de Neuilly lorsque je me rends sur gougueule. Si on clique sur un lien, on trouve les appréciations des patients. Toutes élogieuses et condoléantes : médecin l’écoute, que dommage, quelle peine, quelle perte. Enquête complémentaire de Jean-Luc. Le docteur Jean-Philippe Monezat est mort du covid 19 le 14 janvier 2021. On a pleuré chacun de notre côté avec Jean-Luc et Marianne et puis Jean-Luc a suggéré qu’on mette on the road again très fort ( « Rhône » adorait le groupe Canned Heat.)
Je me souviens de presque tous mes potes de lycée – la plupart vivent leur vie quelque part, de ceux avec qui le lien ne s’est pas défait, il reste trois : je les ai appelés tous les deux – et puis hors lycée, mes potes de jeunesse. Alors Sylvie et Philippe, Olivier, Éric, Antoine « mon Toto », William et Dominique, Marylène, Guy, Marianne, Jean-Luc, déconnez pas. On est seuls sur la route maintenant – et tous ensemble aussi. Et pour toi, Rhône, pauvre con, ne nous refais jamais ce coup-là, on ne te le pardonnerait pas!
PS. Quand on était en 4e et en 3e, mme Bardet notre prof de français ( Brigitte de son prénom, and I’m not making this up ) nous avait fait monter deux pièces de Brecht : La résistible ascension d’Artutoi Ui et Maître Puntila et son valet Matti. Dans les deux cas, c’est Jean-Philippe qui tenait la vedette. C’est le meilleur acteur comique que j’aie jamais vu au théâtre. Tu m’aurais demandé à l’époque ce qu’il ferait comme métier, j’aurais jamais dit médecin, mais comédien. Tu me diras qu’il m’aurait posé la même question au sujet de Richard Foy, qui jouait deux ou trois rôles dans Ui et l’autre rôle vedette dans Puntila, j’aurais dit saxophoniste – et c’est ce qu’il est devenu, avec Urban Sax, l’ONJ et en quartet.
PS. Lien avec on the road again.
PS. Les solutions du quizz que les plus jeunes et moins russes de mes follohoueurs et houeuses attendaient ! Il s’agissait donc bien sûr de Leonid Ilitch Brejnev, un homme dont le visage ouvert illustre parfaitement les qualités associées au prénom Leonid selon le magazine Parents : l’enthousiasme, l’ouverture d’esprit, l’humour. Pour les noms que vous pourriez ne pas connaître dans la liste, suite du quizz (avec résultats dans un prochain post) : qui sont les deux joueurs de football, qui est le journaliste écrivain, qui est le champion d’échecs, qui est mon autre copain de lycée arraché prématurément à l’affection des siens, qui est le premier homme dans l’espace et qui est le personnage de Nikolai Gogol ? Bonus : qui est l’intrus ?