Invalides, mes frères, mes soeurs, que vous le soyez à 50, 80 ou 100%, vous êtes au courant comme le reste des Français qu’il y a une grève à la SNCF : vous êtes pour, vous êtes contre, vous n’êtes ni pour ni contre ; pour une raison ou une autre, vous auriez besoin de prendre le train quand même au lieu de rester peinardement chez vous. Si vous êtes naïfs comme moi, vous vous êtes présenté au guichet d’une gare pour acheter un billet. Comme moi vous craignez internet et sa « simplicité » qui vous perturbe et vous pensez qu’avec une personne humaine en face, ça s’arrangera mieux. Vous avez donc fait la même découverte que moi : pas de réservation possible dans les trains les jours de grève, pas non plus les lendemains de grève. Comme moi vous avez dû entendre le conseil de vérifier sur internet la veille de votre voyage. Comme moi vous avez découvert lors de la précédente grève qu’aucune priorité ne vous était réservée à l’achat des billets : c’est premier arrivé, premier servi et après, débrouille-toi. Ces trains seront-ils vides ou bondés ? Mystère et boule de gomme. Or comme moi vous êtes lents, et vous avez peur des foules – vous avez besoin, pour des tas de raisons psychologiques et pratiques, que votre voyage soit organisé et raisonnablement prévisible. Vous offre-t’on de vous réserver une place sur un train qui partira dans votre créneau horaire au jour dit ? Que nenni ! Reporte ton voyage, crétin d’invalide qui encombre les trains déjà pleins avec ton fauteuil roulant ou ta lourdeur claudicante – ou bien prends le bus, l’avion, ta Tesla, ta trottinette électrique, sois moderne enfin !
Invalides, mes frères, mes soeurs je vous le dis, y’en a marre qu’on nous traite comme des merdes : nous aussi on est des victimes, nous aussi on peut faire chier grave !
Alors écoutez mon mot d’ordre : lors des deux prochaines journées de grève SNCF, tous aux Invalides. Fauteuils roulants de front, sourds-muets et aveugles se tenant par la main, hémiplégiques gauches avec les hémiplégiques droits : on occupe toute l’esplanade et on prend des relais en deux équipes : la première pour bloquer l’accès de leur hôtel aux députés, rue de l’université, la deuxième pour priver les touristes d’accès au tombeau de Napoléon. Et nous on ne fait ni deux ni trois : on ne bouge plus jusqu’à ce que nos revendications aient été entendues, que M. Pepy et Mme Borne (elle a un nom marrant, son prénom c’est pas Mille ?) ne soient venus en personne nous présenter la charte du droit opposable au transport ferroviaire des invalides. Pendant qu’on y est, on demandera des réductions pour tous car seuls nos frères à 100% ont droit à la gratuité alors que les autres c’est que dalle, sauf s’ils sont seniors. Pendant qu’on y est, on négociera l’accessibilité SNCF et RATP : des ascenseurs – et qui marchent – dans toutes les stations sinon on fait sauter la tour Montparnasse !
Allez, invalides mes frères, mes soeurs, assez d’humiliations : montrons à ces puissants ce dont notre faiblesse est capable.
Ps : n’oubliez pas de faire une copie de votre carte d’invalidité et de vous l’accrocher autour du cou dans une pochette plastique.
Pps : Si vous ne savez pas quand sont les deux prochains jours de grève, allez voir sur internet !