Il y a quelques années, deux de mes jeunes camarades de la « diversité » se proposaient d’établir une carte du monde de la valeur de la vie humaine. Leur intuition était qu’à cette Bourse imaginaire, les vies européennes ou nord-américaines étaient cotées très haut tandis que les vies africaines ou asiatiques, Japon, Taïwan et Corée du Sud exceptés, ne valaient pas un pet de lapin.
L’actualité récente vient illustrer, une fois de plus, la pertinence de leur intention.
À un milliard pièce, les cinq passagers du Titan pesaient déjà lourd : la concentration médiatique et les efforts de secours dont ils ont été l’objet sont sans commune mesure avec l’espèce de morne indifférence dans laquelle, en même temps, des centaines de migrants syriens et africains sont morts en Méditerranée, un événement qui se produit tous les jours – et dans la Manche aussi – sans déclencher plus que des affirmations d’impuissance et une confuse déploration.
Dans un monde déchiré de meurtrières guerres locales, où des millions d’individus se trouvent victimes d’une chronique misère économique aggravée par le changement climatique, des masses de malheureux continueront, sur de fragiles embarcations, à chercher d’autres rives pour se faire une vie décente. La valeur de leurs vies augmentera-t-elle à nos yeux ou continuerons-nous à les traiter comme une horde bigarrée de touristes galeux et de terroristes islamistes au couteau entre les dents ?
PS. Rappel. La phrase complète de Malraux c’est : « Une vie ne vaut rien, mais rien ne vaut une vie. » La partie la plus importante, tristement, c’est la première.