REGARDER LES PAUVRES

7 février 2020

Quand un artiste – peintre ou écrivain – considère un pauvre, que voit-il ?
Que ce soit pour l’exotisme ou pour une cause religieuse ou politique, il voit le plus souvent un « objet » d’où il tirera une image chargée d’une intention – image de compassion, image d’indignation, image exotique.
Quand le jeune Napolitain Vincenzo Gemito, dix-sept ans, voit un enfant en haillons assis par terre, les cartes à la main, il voit un frère : ainsi naît la sculpture qui accueillait les visiteurs, il y a quelques jours encore, à l’exposition du Petit Palais consacrée à cet artiste dont je n’avais jamais rien vu et ne connaissais même pas le nom.
Le corps d’un jeune pêcheur tenant son filet, le visage fatigué d’une vieille femme, ce n’est pas le « beau » que Gemito scrute mais la vie même, les secrets les attitudes et le mouvement même de la vie telle qu’elle jaillit de la terre ou des eaux.
Parce que sous son regard, le pauvre n’est pas un « autre » ou un « type » mais l’un d’entre nous, il exprime avec une humilité et une puissance bouleversantes un je-ne-sais-quoi de la condition humaine qui résonnent en nous.

Référence :
Dommage ! Si vous ne l’avez pas vue, la rétrospective du Petit Palais a pendant de longues semaines été ce phénomène rare des expos parisiennes : un lieu de paix où l’on n’était pas bousculé comme dans le métro et où l’on pouvait s’absorber dans la contemplation des oeuvres en les méditant une à une. Puis cela s’est affolé au cours des derniers jours et les foules sont arrivées. Maintenant c’est fini, et pour admirer Gemito il faudra se rendre à Naples, au musée de Capodimonte où ses oeuvres sont exposées.