PETITE THÉORIE DU CONFINEMENT HEUREUX

17 mars 2020

PETITE THÉORIE DU CONFINEMENT HEUREUX

Hier dans la matinée, tandis que la toile, les ondes et les écrans se remplissaient peu à peu de messages plus ou moins fantaisistes sur les mesures de confinement qui seraient annoncées  le soir par M. Macron, l’un de mes vieux amis m’a envoyé un message pour prendre de nos nouvelles et m’annoncer qu’il allait organiser chez lui des  « déjeuners joyeux » qu’un homme éduqué, ayant comme moi fait face à une sérieuse maladie et s’en étant sorti par la peau du cou, soit à ce point inconscient, m’a surpris sans m’indigner – deux jours plus tôt, fort de mon « immunité », j’ étais encore dans le même état d’esprit et il m’avait fallu les admonestations  affectueuses d’une amie docteure pour me forcer à atterrir. J’ai simplement répondu à mon cher et vieil ami que de mon côté je préparais le confinement joyeux.

Je ne suis pas certain de ses contours mais il me semble qu’avec de quoi se nourrir et nourrir sa famille, un téléphone, une télé et une bonne pile de livres, on doit pouvoir s’en sortir de bonne humeur – ajoutez un petit tour de pâté de maison, avec ou sans chien.

Alimentation : tous les magasins sont ouverts dans le quartier et je fais la supposition raisonnable que si on ne peut pas trouver « tout » ce dont on aurait envie, on peut se procurer les produits de base du quotidien – idem (pour l’instant) avec les fruits et légumes.

Le téléphone : surtout pas pour consulter internet toutes les trente secondes en googlant coronavirus. Pour appeler les amis, les proches  un peu lointains, leur envoyer des messages et veiller sur eux comme ils veillent sur nous. Cette vache de virus nous donne l’occasion d’être, un peu plus et mieux que d’habitude, les anges gardiens les uns des autres. Sachant (c’est un copain médecin qui me dit que c’est vérifié scientifiquement ) que le sentiment d’être utile à son prochain libère dans l’organisme des endorphines en quantité, autant en profiter et se faire du bien en même temps qu’on en fait aux autres – déjà,  sauf « conf call », on court moins le risque d’entendre « tu me déranges, je suis en réunion ! »

La télé : pas les chaînes d’info en continu, please ! un bulletin d’information par jour et votre programme préféré (pourquoi ils m’ont sucré Canteloup hier soir sur TF1 comme pour la mort de Johnny et l’incendie de Notre Dame? Il est pas malade, je l’ai entendu sur Europe 1 ce matin !) et puis les séries sans complexe sur le binge, les films idiots, les films intelligents, les vieux films, ceux qu’on a ratés en salle et qui sont dispos en DVD ou VOD.

Les livres : l’occasion de relire Proust, même si vous ne l’avez pas lu, La Comédie humaine, les oeuvres complètes de Chong Chong et Su Ki les deux précurseurs de Confucius , et aussi Athanase Ténaze, le maître inconnu de Socrate, ou Darladidadada le fondateur de l’ayurvéda- des polars, des thrillers, des comédies romantiques, des mangas, Harry Potter, Oui Oui, Le club des Cinq, SAS,  San Antonio, Rahan,  les Caroline, les Alice, Mortelle Adèle, Bob Morane, le journal de Mickey, Pilote, Tintin ou Astérix si vous êtes d’humeur intello.

Pour conclure une des histoires favorites de mon ami Denis (salut capitaine, ça va en Bretagne ?) : c’est une histoire de Toto – pas le Toto italien déjà vanté ici et qui fait partie des « must » du confinement joyeux[1], mais notre Toto français, celui des histoires drôles de notre enfance.

Toto est en train de faire sa promenade dans le petit jardin de l’hôpital psychiatrique. Il a une ficelle attachée au poignet et traîne derrière lui une brosse à dents.

Il tombe pile sur le médecin chef :

Toto : bonjour docteur, comment allez-vous bien ? Vous avez vu, avec ce beau temps,  j’en profite pour faire un tour  avec  ma brosse à dents.

Doc : « c’est bien  Toto,  la dernière fois que je t’ai croisé dans le jardin, tu croyais que tu promenais ton chien. Continue à bien suivre ton traitement et tu seras bientôt sorti d’ici. »

Le médecin éloigné  Toto tire un bon coup sur la ficelle et attrape sa brosse à dents : « tu as vu, Médor, on l’a bien eu ! »

 Conclusions:

1. pour  votre petite balade hygiénique, si vous n’avez pas de chien ou le formulaire A 38, emportez une brosse à dents.

2. restez confinés, soyez joyeux, portez-vous bien [2]et déconnez pas avec la santé, les filles [3]!

Références

Malheureusement les oeuvres de Chong Chong et Su Ki, trop austères et exigeantes pour les consommateurs de livres de développement personnel, n’ont pas bénéficié des vagues de mode occidentales ayant popularisé  Confucius, Lao Tseu et Tchouang Tseu. Elles ne sont disponibles en chinois que  chez un petit éditeur indépendant de Wuhan qui ne peut livrer actuellement. Quant à Darladidadada il est interdit par le gouvernement Modhi.



[1] More on this later avec conseils filmo et biblio dans les semaines qui viennent.

[2] Promo gratuite, phrase de conclusion fétiche d’Anton Tchekhov, à retrouver dans sa correspondance : «  Vivre de mes rêves,  édition préparée par Nadine Dubourvieux et traduite (magnifiquement) par elle, préface de votre serviteur. (éditions Robert Laffont, collection Bouquins 2016)

[3] Les mecs aussi