N’en déplaise à ceux de mes amis ne comprenant pas qu’un être humain intelligent (moi) ait des goûts de beauf, je suis un supporter. De l’OM, de la France (je pleure à La Marseillaise), des Yankees.
Il y a quelques semaines (avant les JO, vous vous souvenez, il y a eu l’Euro), je me suis fâché très fort et j’ai failli pleurer parce qu’un ami américain très cher revenait sans cesse sur les détails de l’invraisemblable défaite des Bleus face aux Suisses et qu’il enchaînait sur la énième défaite humiliante des Yankees cette saison. Je lui demandais d’arrêter, je le suppliais, même — et il continuait sur le thème « comment est-ce possible de perdre dans des circonstances pareilles ? ». Ce salaud a prétendu après coup que ma souffrance était une « comédie pagnolesque ». Pendant qu’il y était, il aurait pu me parler de la saison décevante de l’OM, seulement éclairée par une victoire (la première en dix ans) contre le PQSG.
J’ai le blues du supporter, j’ai mal, je refais les matches, coache, réalise des changements — étant bien entendu que je ne connais rien à aucun de ces sports — je n’ai pratiqué que le fleuret en compétitions de jeunes jusqu’à l’âge de douze ans, le rugby en scolaires en 1966-1967 — le foot une fois par an en amical — et en dix ans je n’ai marqué qu’un but, et contre mon camp — ça s’arrête là. Je n’y connais rien en technique et en tactique, mais je m’y connais en misère du supporter.
Le supporter espère la victoire et celle-ci survient parfois comme un miracle (OM 26 mai 1993, 44e minute, but de Basile Boli), mais le désespoir de la défaite ne le surprend jamais : il le savait, il s’y attendait, c’est toujours comme ça.
Le supporter croit parfois que s’il quitte le stade (l’écran), son équipe va se reprendre, mais pendant que le destin suit son cours (cruel le plus souvent), il ne peut s’empêcher de vérifier le score sur son téléphone toutes les cinq minutes. Lorsque la messe est dite, le résultat acquis, il devrait faire preuve de sagesse et conclure que si certaines choses dans sa vie sont le résultat de ses décisions et de ses actes ou ont un rapport avec eux, le sort de son équipe chérie n’en fait pas partie. Pas besoin du manuel d’Épictète pour savoir que nous serions plus lucides (et plus heureux) de négliger ce qui ne dépend pas de nous. Pourtant le supporter n’est pas un être de raison, mais un croyant. L’an prochain à Jérusalem est sa devise, sa prière, son mantra.
Je crois donc que l’OM va briller en Ligue Europa, re-battre le PQSG avec ou sans Lionel Messi, gagner la Ligue 1 ; je crois que la France va gagner la prochaine Coupe du monde de foot, plus celle de rugby, et battre son record de médailles aux JO de Paris ; je crois également que les Yankees vont gagner leur division en dominant leurs bêtes noires, les Red Sox, avant de retourner en World Series pour la première fois depuis x ans et de les remporter en « sweepant » (pardon my franglais) les Dodgers (4 victoires à 0, avec un no-hitter de Gerrit Cole).
Je sais que je serai déçu, que je maudirai mes équipes chéries pour m’avoir une fois de plus fait souffrir, mais c’est comme ça : je crois.
Je sais aussi qu’avoir des préoccupations aussi futiles en des temps aussi graves (le covid, les incendies, les inondations, la planète qui fout le camp, etc.), c’est pitoyable — et je ne le nie pas, ma pitoyabilité (pardon ze barbarisme) de plus en plus patente me dérange de moins en moins.
Références
Brian Haldeman (supporter des Red Sox) : « Ils trouveront toujours de nouvelles façons de te briser le coeur. »
Philippe Douroux (supporter du PQSG) : « La grandeur du supporter est dans la défaite. »
Marcelo « El loco » Bielsa, ex-coach de l’OM : « La vraie richesse d’un club, ce sont ses hinchas[1]. »
Roy Kent Roy Kent He’s there he’s there
He’s every fucking where
Roy Kent Roy Kent
(chant des supporters de Roy Kent, capitaine d’AFC Richmond dans la série Ted Lasso, dont la saison 2 vient de commencer).
Bill Shankly (ex-entraîneur de Liverpool) : « Certains disent que le football est une question de vie ou de mort. Ils ont tort : c’est beaucoup plus important que ça. »
« Please try not to suck[2] » (t-shirt d’un supporter des Cubs vu dans leur stade de Wrigley Field à Chicago).
Yogi Berra (ex-catcheur, puis entraîneur, des New York Yankees) : « On dit que l’amour est ce qu’il y a de plus important dans la vie. C’est vrai. Mais le baseball, c’est pas mal non plus. »