C’est avec intérêt qu’éclairé par ma nouvelle amie Géraldine Collet, j’ai découvert que dans une édifiante interview de 2015, « Gaby le Magnifique » Matzneff annonçait avoir confié plusieurs années de ses « carnets noirs » à Antoine Gallimard afin qu’il les publiât après sa mort. Ce prestigieux éditeur ami des écrivains maudits s’est récemment déclaré « gêné » par le contenu des journaux de GM, que sa maison publiait depuis trente ans. Rougira-t-il à nouveau avant de livrer à la postérité ces moments secrets de la sulfureuse intimité matznévienne ou bien renoncera-t-il, atteint brutalement de compassion pour ces petits prostitués mâles à qui le poil (horreur !) a poussé et dont les vies ont été ruinées pour la grandeur de la littérature ? Lorsque GM le « philopède » s’enorgueillit de publier le détail de la sodomisation de petits garçons âgés d’une dizaine d’années, qu’a-t-il gardé secret par détestation du qu’en-dira-t-on véhiculé par les épouvantables moralistes qui nous gouvernent, manipulés par des féministes « hystériques » (elles le deviennent toutes dès qu’elles sont en âge de « vêler ») et des père-la-pudeur s’étant masturbés en regardant du porno soft ou hard sur internet plutôt que de suivre audacieusement leur élan vital et de sauter dans un avion pour Manille afin de « libérer » de glabres garçonnets, biffetons à l’appui?
Pour ma part, j’annonce officiellement n’avoir confié aucun carnet noir à quiconque.
Je n’ai à cela aucun mérite car 1. Si j’ai quelques textes non publiés, ma femme et mes enfants ne trouveront dans mes placards aucun carnet noir, ni aucun disque noir à côté de mon ordinateur : tout au plus des cahiers de tailles et de couleurs diverses, remplis de mon écriture illisible (même pour moi-même). 2. Nettement moins « transgressif » que l’ex-poulain de Philippe Sollers, je n’ai jamais entretenu avec le patron de la rue GG, l’intimité que l’auteur des Moins de seize ans avait développée avec lui jusqu’à leur récente rupture.
de plus, le sentiment de mon « importance » n’a jamais été très développé chez moi et n’a été en rien gonflé par de modestes succès et de fréquents échecs. Cerises sur le gâteau de ma splendeur imaginaire, je ne me sens en rien « maudit », l’expression « après ma mort » me fait sourire et je considère sans angoisse la perspective probable de l’oubli de mes écrits.
En annexe, sur le « grand style » du maudit du jour, dont les admirateurs (« certes il est sulfureux, mais quel écrivain ! ») sont plus silencieux ces temps-ci, je livre la phrase d’ouverture d’un de ses romans :
Que chacun se fasse son impression sur ce galimatias d’un écrivain que M. Yann Moix – un spécialiste s’il en est – jugeait récemment « classique mais vivant »-, mais il m’apparait qu’en sus de la pédocriminalité, GM devrait être poursuivi pour crime contre la langue française – et mis en examen ses correcteurs et thuriféraires pour complicité aggravée.
Références :
Pour les matznévos (s’il en reste), les masos ou les amateurs de curios littéraires, Les Lèvres Menteuses (Gallimard, 2001) ;
Les moins de seize ans (Julliard, 1974)a été retiré de la vente mais des sites en ligne vous le proposent à petit prix
www.Chronicart.com/livres/matzneff-toujours-rebelle pour l’interview.
Je ne me lasse pas d’offrir Le Consentement et je constate avec joie que son auteure est aussi sobre et juste dans ses interventions médiatiques que dans son ouvrage. Certes, ce récit poignant n’est « pas vraiment de la littérature » pour quelques fins becs houellebecquophiles, mais pour les analphabètes ringards dont je suis, c’est un sacré bouquin !
Le Consentement, Vanessa Springora, (Grasset, 2020)