L’ÉPREUVE DU CRUNCH

3 janvier 2023

Non, follohoueurs, follohoueuses, vous n’avez pas été redirigés sur le site de L’Équipe et il ne sera pas question de l’affrontement classique annuel du rugby entre Anglais et Français.

Ma fréquentation des stades de baseball états-uniens m’a fait découvrir un fait historique ignoré : nos amis américains ont dû subir d’atroces périodes de famine, car ils ne ratent pas une occasion de se rattraper : pas un ne prend sa place sans son maxi-gobelet de soda accompagnant son seau de pop-corn : au baseball, c’est entre deux manches qu’on repart aux provisions, au cinéma c’est pendant le film, surtout s’il est long (hier soir Avatar 2 ; 3 h 10 c’est  quand même beaucoup, j’y reviendrai une autre fois). Résultat : impossible de voir un film sans être accompagné par un concert de crunch-crunch et de slurp-slurp ; quoique couverts par le gros son, ces bruits parasites se débrouillent toujours pour se glisser sournoisement par en dessous. De ce phénomène j’ai lu l’explication fournie par le brillant M. Yuval Noah Harari dans son excellent Sapiens et je ne suis pas satisfait. Selon lui, en substance, il y aurait quelque chose de préhistorique dans cette tendance à se jeter sur la bouffe. Notre ancêtre passant devant un figuier ne procédait pas à un raisonnement logique qui l’aurait amené à manger quelques figues, les plus mûres, pour rassasier sa faim et à en conserver dans sa besace un certain nombre pour plus tard. Ignorant quand il verrait un autre figuier ni si celui-ci serait chargé de fruits, il se gavait.

L’explication de M. Harari est séduisante et me rappelle la maxime de mon légendaire grand-oncle marseillais Aristide : « Quand c’est bon, ça ne me dérange pas qu’il y en ait beaucoup. » La théorie Harari se heurte pourtant à quelques obstacles. Trois me viennent à l’esprit :

  1. Pourquoi l’États-Unien moyen serait-il plus préhistorique que les autres humains ?
  2. Pourquoi, à la différence d’Aristide, qui entre nous, ayant mis en application sa devise avec constance, a été tôt arraché à l’affection de ma grand-tante Juliette, l’États-Unien se bourre-t-il de préférence avec ce qui est dégueulasse ?
  3. Même en faisant la part de l’irrationnel et du primal, le même États-Unien,  être avancé, élu de Dieu, miracle du progrès, n’a-t-il pas remarqué, depuis le temps, que chez lui il y a à bouffer les cochonneries qu’il affectionne absolument partout ?

Malgré ces objections je ne saurais trop recommander la lecture de l’ouvrage qui a fait la notoriété mondiale de M. Harari.

Référence

Sapiens, de Yuval Noah Harari, est disponible dans la collection Le Livre de Poche, de même que ses deux autres ouvrages, Homo Deus, et 21 leçons pour le XXIsiècle (traduits de l’anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat). Parfois contestables, les points de vue de cet historien sont toujours stimulants.