LE VIOL DE FIOKLA

13 mars 2009

Fiokla est un personnage secondaire de la nouvelle de Tchékhov « Les Moujiks » qui déplut au censeur car elle dépeignait la vie des paysans russes d’une façon trop sombre. Elle raconte le destin de Nicolaï, qui a réussi à se placer comme valet de chambre à Moscou mais doit revenir dans sa famille, avec sa femme et sa fille, car la maladie l’empêche de poursuivre son service. Avec son économie habituelle, Tchékhov ne s’attarde pas sur cette maladie, se contentant de nous dire qu’il a trébuché « avec un plateau sur lequel il portait une tranche de jambon aux petits pois ».Fiokla est l’un de ses deux belles sœurs dont l’insolence fait gronder dans la famille. Ce en quoi cette insolence consiste exactement, cela ne nous est pas dit, ou plutôt dit, à la Tchékhov. « Au moment où la lumière bleuâtre du matin pénétrait déjà par toutes les fentes, Fiokla se leva sans bruit puis on l’entendit courir, en faisant claquer ses pieds nus. »Les pieds nus de Fiokla l’emmènent de l’aube jusqu’au cœur de la nuit : « Près de la porte, rencognée contre la muraille, se tenait Fiokla, complètement nue. Elle grelottait, claquait des dents et, sous la vive clarté de la lune, elle avait l’air livide, belle et étrange. Les ombres sur son corps et l’éclat de la lune sur sa peau avaient quelque chose de violent et l’on distinguait avec une netteté particulière ses sourcils noirs et sa jeune et forte poitrine. »Tout ce que nous saurons jamais du viol dont elle a été victime (« C’est des voyous qui m’ont déshabillée et qui m’ont fait partir comme ça »), il nous le faut entendre dans les seuls sanglots bruyants et rudes qu’elle pousse un peu plus tard.

Références: Oeuvres de Tchékhov (3 volumes dans la Bibliothèque de la Pléïade, Gallimard).