LE CHEMIN DE NOTRE VIE

30 mai 2009

« Nel mezzo del cammin di nostra vita.. »

« Au milieu du chemin de notre vie… »

Le célèbre premier vers de « l’Enfer » de Dante nous le rappelle : ce que nous lisons d’abord, le début, n’est qu’un milieu. Beaucoup d’histoires sont dites commencer « in medias res » – comme si une porte s’ouvrait dans la vie, parfois avec douceur, parfois avec brutalité.

Tout lecteur d’un texte est à sa façon l’Alice de Lewis Carroll et mesure, dès qu’il ouvre les yeux, l’étrangeté du monde qui s’offre à lui « de l’autre côté du miroir ».

C’est pourquoi, avant d’écrire, il est nécessaire d’avoir longtemps habité ces lieux imaginaires, de les avoir peuplés de tous les personnages et de toutes les sensations qui donneront aux premiers visiteurs la certitude de pénétrer dans un pays. Si les phrases doivent, selon Tchékhov, avoir longtemps séjourné dans notre cerveau avant d’être écrites, c’est pour leur permettre de se « charger » ainsi, électriquement pourrait-on dire, afin de nous donner à croire.

Ce processus, conscient ou non, n’est possible que dans le respect des temps de la création – maturation, rédaction, correction. Ce « chemin de notre vie » est le chemin du livre et c’est au cours des nuits qu’il s’est tracé, au cœur des émotions, des vies des autres et de la nôtre aussi. Ainsi, quand l’histoire commence, nous ne la prenons pas « au début » mais au milieu – nous allons dans un monde à l’exemple du monde, tout gluant de passé, un monde fictif et nécessaire. Que nous n’en sachions peut-être rien n’infirme pas la proposition : celui qui écrit découvre autant que celui qui lit et comme les pèlerins vers Compostelle, chérit plus le chemin que son origine et sa fin.