La vérité par le mensonge, écrivait Vargas Llosa, et la formule est trop habile pour être tout à fait recevable – et puis c’est le mensonge qui nous attire en elle alors que son terme le plus important est le premier : la vérité. J’en vois qui vont grincer : mettre la littérature sur ce terrain, ce serait l’envoyer sur la pente glissante du moralisme qui, comme chacun sait, se termine en bondieuserie ou en réalisme socialiste. C’est un faux procès.
La « vérité » recherchée en littérature est complexe et par nature dissimulée; elle est ce qui s’échappe, elle est une tentative de dévoiler ce que les autres procédés d’investigation et de connaissance n’ont pas réussi à « casser » ; que cette vérité soit par essence incertaine (l’on sait que les scientifiques ont aussi maintenant accepté cette incertitude dans leurs systèmes), que sa connaissance n’ait probablement aucune utilité pratique, et peu de vertus édificatrices, cela ne change rien à sa nécessité. Si nous lisons, comme dit magnifiquement Döblin, « comme la flamme dévore le bois », c’est avec l’espoir, toujours déçu mais jamais éteint, qu’il se trouve à la fin de la « sombre avenue », au bout du chemin, la lanterne avec « l’écriteau portant le nom de l’avenue ».
Qu’y a-t-il à lire sur cet écriteau ? Ceux qui en attendent la solution miracle seront déçus comme ceux qui, autrefois, attirés par une publicité vantant un produit miracle détruisant tous les insectes nuisibles, reçurent un marteau accompagné de l’instruction : « Visez la tête et frappez fort. » Mais pour les autres, il n’est pas une déception que sur l’écriteau il n’y ait rien de plus que les mots du livre lui-même, lumineux, douloureux, vrais.
Références : Mario Vargas Llosa, la Vérité par le mensonge (Gallimard) ; Alfred Döblin, Berlin Alexanderplatz (Folio/Gallimard) ; Novembre 1918 (Agone).