Un ami fontvieillois, grand amateur de l’oeuvre de Marcel Pagnol, m’envoie la photo d’une devanture. Quels ouvrages mes amis villageois avides de lecture peuvent-ils « click and collect », comme on dit en provençal ? La trilogie du barde d’Aubagne ? Point !
C’est un trio d’Ex au poids moral incontestable, incontournable, que le commerçant a exposés en vitrine : M. Benalla, ex-protecteur rapproché de M. Macron, va nous révéler ce qu’ils ne veulent pas qu’il dise ; M. Jean-Louis Debré, ex-porte-documents de M. Chirac, va nous dire ce qu’il ne pouvait pas dire. Quant à Mme Royal, ex-compagne de M. Hollande, ex-espoir du socialisme français et ex-ambassadrice des pôles, elle va nous dire ce qu’elle peut « enfin » dire. Il ne manquait que Le Temps de la vérité où M. Carlos Ghosn, ex-PDG sous-payé de Renault et Nissan, révèle enfin pourquoi ses actionnaires l’ont honteusement exploité avant de tenter d’avoir sa peau. Pour former un élégant quinconce, on aurait pu ajouter une nouveauté explosive : L’Engagement, où M. Montebourg, ex-futur héros de la gauche, révèle enfin comment ils l’ont empêché d’agir
Il était temps ! par ces temps troublés, connaître l’identité des mystérieux « ils » censurant la vérité d’un garde du corps, recevoir les secrets susurrés de la bouche de l’incorruptible chiraquien, entendre la parole libérée de la madone de la rue de Solférino, et j’ajoute connaître les secrets d’une victime du capitalisme mondialisé – voilà qui va faire se lever dans notre pays une vague d’amour de la vérité qui risque de tout emporter sur son passage. On annonce pour bientôt des « J’avoue tout » signés Nicolas Sarkozy, et « Moi, l’irrésistible » de François Hollande ; les époux Balkany nous préparent un bouleversant document humain, « Voleurs ou volés ! » tandis que M. Cahuzac cherche un titre pour le récit déflagrant de l’escroquerie dont il a été victime. Tout, tout, ils vont tout dire. Et le zizi ? même pas en rêve.
Pour moi, ancienne école, je prends l’engagement ferme, irrévocable, de ne rien dire. Pourtant je pourrais si je voudrais[1], car j’en sais, des choses qu’ils ne veulent pas que vous sachiez. Je tiendrai néanmoins et nulles flatteries, aucunes offres sonnantes et tintinnabulantes n’entameront ma résolution. C’est comme ça : quoiqu‘ils fassent, quoiqu’ils disent enfin, je garderai le silence. Et s’ils m’empêchent de me taire, je n’en dirai pas plus. Tant pis pour les conséquences.
Références : plutôt que ces immondes plaquettes de propagande, commandez-vous les quatre volumes des souvenirs de Pagnol, qu’il n’est jamais trop tard pour lire ou relire, ou bien un indispensable quinconce : la réédition des superbes romans graphiques de l’ami Jean-Pierre Autheman, récemment, cruellement et définitivement[2] arraché à la place du Forum : Aux carrefours du destin ( éditions Glénat, 45 euros dans toutes les bonnes crémeries), 860 pages de talent, d’humour et d’amour d’Arles, notre ville natale préférée.