« Il était une fois »
« Once upon a time »
« C’era une volta… »
De l’ancienne façon d’introduire une histoire provient l’écho d’une voix vagabonde : celle du conteur. C’est convention : vous allez entendre une histoire, vous en rirez ou pleurerez, en tremblerez peut-être, mais je vous promets de ne pas vous ennuyer. C’est confiance : cela s’est produit en un temps (ce que l’anglais, seul, précise), situation et personnages, lieux et péripéties, tout est vrai, croyez m’en. C’est mystère : de ce temps, de ces villes éloignées, de ces guerres légendaires, moi, conteur, suis le seul rescapé, venu pour vous narrer exploits et vilenies, la beauté de l’homme – et son atrocité.
La convention a disparu ; reste la confiance, reste le mystère. Ecrire une histoire qui n’introduirait pas à cette certitude, doublée de cette étrangeté, c’est peine perdue. Au fil des siècles elle s’est transformée, sans véritablement changer.
« Il y eut naguère, en la ville de Valenciennes, un notable bourgeois, en son temps receveur de Hainaut, lequel entre les autres fut renommé de large et discrète prudence.. » Ainsi débute la première des Cent Nouvelles Nouvelles écrites sous le règne de Louix XI par Antoine de la Sale.
Dans les versions les plus contemporaines, il peut sembler parfois que le mystère a été condamné au nom de l’assertion et que l’expression de la confiance est devenue un coup de poing dans la gueule :
« Ca a commencé comme ça. » (Céline, Voyage au Bout de la nuit)
« This is what happened » (Douglas Fairbairn, Shoot)
“This is true.” (Tim O’Brien, The things they carried).
Peu nous importe à nous, que cette vérité soit mensonge en habits de fête. De sa voix douce ou tonnante, le conteur a recommencé son antique « Il était une fois » et nous sommes prêts à le suivre, encore cette fois.