M. Fillon nous abreuve de sa dignité, offensé par d’abjectes attaques dans un style nouveau (Jésus mis en croix) et curieusement familier : celui de son ami M. Sarkozy (« Comment osez-vous ! »), celui de tous les politiques qui, menant leurs vies si difficiles au service du peuple, jugent que c’est le minimum vital de tirer tout ce qu’ils peuvent des maigres avantages qu’ils se sont courageusement consentis ; se mêlent dans leur réaction indignée la mauvaise foi du sportif dopé (tel Lance Armstrong, il n’a jamais rien pris d’illégal, il s’agît sans aucun doute d’un complot dû à la jalousie, des preuves éclatantes vont bientôt être données) et la silencieuse solidarité d’une caste qui, tous partis confondus, vit sur la bête (nous) en s’affranchissant par avance de toutes les obligations auxquelles elle nous rappelle à intervalles réguliers que, citoyens, salariés, contribuables, nous sommes soumis. Maris élus (passons sur ceux qui s’affranchissent de tout ou partie des obligations liées à leur mandat), conjointes assistantes parlementaires (de leur mari ou d’un autre) – tout cela est un système qui génère abus et suspicions, sans doute injustifiées dans bien des cas. Si un candidat voulait bien nous expliquer à quelles nouvelles règles du jeu il compte se soumettre – et soumettre les élus nationaux, il est le bienvenu. Il est vrai que M. Sarkozy, puis M. Hollande, s’étaient, en des termes assez proches, engagés à des réformes ayant pour objet de rendre la république irréprochable – et que nous attendons toujours. Quel que soit l’heureux élu, il est à craindre que nous n’assistions encore longtemps à cette bouffonnerie de l’honnêteté bafouée («les yeux dans les yeux, je vous le dis») dans le grand show français du « eux et nous » : faites ce que je dis, pas ce que je fais.