ET LA CONNERIE, LÀ-DEDANS ?

29 mars 2024

Mélanges Yvan Audouard I

« Dans ma vie », dit un jour mon père à l’un de ses vieux amis, « j’ai été journaliste, membre du parti communiste et patron de bar… te dire si j’en ai entendu, des conneries ! »

Digne fils de mon père qui avait connu deux de ses plus grands succès de librairie avec Lettre ouverte aux cons et La connerie n’est plus ce qu’elle était, je me suis inscrit au séminaire de conologie organisé par mon ami Robert, patron du  Café du Moulin, dernier survivant des quelques dix caf’-conc’ qui opéraient au village vers 1900, au sommet de l’activité des carrières, quand  le samedi soir  éclataient des bagarres entre ouvriers largement éméchés , troublant le repos des  paysans et des braves gens, et inquiétant les autorités. Les bagarres au Moulin sont rares et on y trouvera plus souvent quelques paisibles joueurs de cartes qui se charrient gentiment. Entre deux mènes, Robert consent à quitter sa place pour regagner le bar et servir un client pas trop pressé. Du temps de sa prospérité d’agent immobilier St Rémois,  Robert  fréquentait les premiers « pipole » plus ou moins intellos qui cherchaient une résidence secondaire entre Luberon et Alpilles. A l’heure où les joueurs s’en vont il me désigne la table où leurs fantômes s’attardent : «  Qu’est-ce que tu veux, philosophe-t-il, ils sont cons, ils ne comprennent rien et  ils ne savent rien, mais je les préfère. »

La conologie, la discipline dont Robert est le fondateur et maestro, consiste à considérer en priorité sa propre connerie afin d’observer avec tendresse celle des autres.

C’est dans cet état d’esprit que j’accueille mes deux premières conneries au début de mon séjour pré-printanier au village.

Discussion sur les impôts. Consensus : on en paie trop et on va en payer encore plus. Argument pour (moi) : « Quand je paie mes impôts je râle, comme tout le monde, mais je pense aux hôpitaux et aux écoles que je contribue à financer plus qu’à l’argent mal dépensé ou carrément détourné. » Le villageois (qui n’est même pas d’ici) : « De toute façon, tout l’argent va aux Noirs et aux Arabes. » Moi : « Tu exagères. »

Discussion sur le gouvernement. Le villageois : Qu’est-ce que tu penses des déclarations de Macron sur l’Ukraine ? » Moi (citant Yvan Audouard) : « Je pense peu, ça me laisse le temps de réfléchir. » Le villageois, poursuivant sur sa lancée : « Ce Attal, qu’est-ce que tu veux qu’il y connaisse, à l’éducation ? C’est une tarlouze, il n’a pas d’enfants, il ne peut pas comprendre. » Moi : « Excuse-moi, je dois y aller. »

Autre villageois : « Moi j’ai rien contre les gays, du moment qu’ils font ça entre eux. Mais qu’ils se marient, qu’ils aient des enfants, c’est contre la nature. » Comme c’est un ami je me permets de le traiter de con et de zemmouro-maréchal-lepéniste, sans oublier de mentionner :

  1. La nature, c’est en cas de difficulté d’accouchement laisser mourir une femme et son bébé.
  2. Avec le catalogue  historique des abus et violences de toutes sortes infligées aux enfants dans les familles « normales », les parents gays n’ont pas de complexes à avoir.