ET DIEU, DANS TOUT CA ?

10 avril 2019

 « Et  Dieu dans tout ça ? » c’était la question, qu’à un moment de sa légendaire émission « Radioscopie », l’animateur Jacques Chancel posait à son invité du jour. C’est du moins ainsi que les anciens (les années 1970, il y avait encore des mammouths sur terre ?) s’en souviennent.

Le chauffeur de taxi écoute la radio et pour une fois ce n’est pas RMC et sa collection de gueulantes tous azimuts, mais France Info. Il est question de la nouvelle arrestation de Carlos Ghosn au Japon. « C’est la punition de Dieu », commente sobrement le chauffeur. Je ne suis pas sûr de ce que Dieu viendrait faire là-dedans… S’étant abstenu (ou planqué) face aux millions de morts des génocides du XXe siècle, il a – à en croire le cardinal Barbarin – déployé la puissance de Sa grâce pour favoriser la prescription de la majorité des milliers de crimes sexuels commis par des prêtres de son Eglise. Pourquoi se pencherait-il soudain sur les milliards de dollars accumulés par les maîtres du capitalisme au XXIe ?

Et si ce Dieu, se saisissant à nouveau de l’arsenal vengeur de l’Ancien Testament, punit M. Ghosn, pourquoi épargne-t-il M. Ender, dirigeant d’Airbus qui vient de quitter cette société avec 38 millions dans les fouilles ? On dira que c’est légalement que ce dernier touche cette somme extravagante, alors que ce serait de façon illicite que M. Ghosn aurait tenté d’arrondir les maigres 13 millions annuels qu’il percevait de la part de Renault et Nissan. Ce vaillant capitaine d’industrie avait, d’après Médiapart, testé les limites de la légalité – sans compter la morale commune et la patience divine – en soumettant, via de subtils montages, les sommes perçues à l’impôt néerlandais, plus tendre que son cousin français. Dieu, selon les vues de mon chauffeur, a dû décider que le dirigeant français avait assez joué avec Son infinie tolérance et a chargé la justice japonaise d’être son bras armé.

M. Ghosn et sa famille tentent –  restons bibliques – de le peindre comme un Job moderne ; ayant fait don de sa personne pour redresser une entreprise moribonde, le voici puni pour sa sagacité et son dévouement pour lesquels il percevait une juste rémunération lui permettant, comme tout un chacun, de préparer l’avenir de ses enfants.

Quoi qu’il en soit des visées divines dans les cas ci-dessus évoqués, force est de constater une fois de plus qu’il y a pour le citoyen moyen non atteint de mélanchonite aigue, quelque chose de répugnant à observer que nos puissants capitalistes s’autorisent sans vergogne les millions par des multiples qui ne nous sont connus que par les tirages d’Euro-millions. Même à supposer d’atroces manoeuvres en coulisse, il est au moins rassurant que les Japonais, pourtant peu suspects de penchants pour le socialisme modèle cubano-vénézuélien, soient plus actifs que les Français contre les bidouillages de ceux qui, ayant déjà tout et au-delà de tout, manoeuvrent en loucedé pour en accumuler un peu plus.