Le nom de Malcolm de Chazal m’est familier depuis l’adolescence : mon père le mentionnait souvent, associé à celui de l’autre grand poète mauricien, Loÿs Masson. Dans une maison pourtant pleine de livres, on ne trouvait pas leurs écrits sur les étagères. Il m’en est resté une musique à la noblesse mystérieuse.
En découvrant grâce à mon ami Denis Cellier, marin, karateka et « charlopathe » (le terme est de lui sinon je ne me permettrais pas) la véritable œuvre de Malcolm, je plonge en pleine lumière, c’est-à- dire en plein mystère.
André Breton et Jean Paulhan saluèrent « Sens Plastique » dès 1947. Le manuscrit en avait été expédié par la poste par un obscur ingénieur ayant développé des tendances mystiques sur son île lointaine. Découvrant peu à peu son œuvre, je ne cesse de m’éblouir. Sa poésie capte les choses et les êtres en leur matière même ; elle est parcourue d’un souffle divin – à condition de se souvenir que Chazal ne nomme ce Dieu nulle part – et moins encore ne lui accole une Eglise. A la différence de Sartre, à qui cet anonyme adressa une lettre stupéfiante de hardiesse, il n’est le père d’aucun système ou antisystème. A la cour du prince Malcolm, on jouit de se tenir en silence pour écouter de merveilleux murmures et se laisser porter par eux:
« Quand
Passe
Le vent
Les herbes
S’allongent
Pour
Faire
L’amour. »
« La mer
Enceinte
Par ses vagues
Accouche
Sur
La plage. »
Références : Poèmes et apparadoxes (éditions Léo Scheer) ; Sens plastique et La Vie filtrée (Gallimard, collection l’Imaginaire)