« Prends donc quelque chose dans la vie courante, sans intrigue et sans fin » – tel était l’un des conseils du docteur Tchékhov. Ainsi sa nouvelle la Maison à Mezzanine, nous présente-t-elle un héros oisif et discoureur, peintre qui ne peint pas, amoureux vague d’une jeune fille sans doute laide et qui disparaît sans qu’un début d’intrigue amoureuse ait eu lieu. Bien que son récit soit à la première personne, Tchékhov se montre ici, comme à son habitude, aussi peu sentimental que possible. Lui qui ne jugeait rien ni personne ne fait pas briller son héros narrateur. Et pourtant, il parvient à nous faire ressentir et son attente et sa tristesse, en nous épargnant une voix intérieure qui ne pourrait être qu’irritante. Pour y parvenir, il utilise une simple description : celle du parc de la maison où est située la maison de la jeune fille, Génia.
Au début de l’histoire, nous la découvrons tandis que le soleil décline et que « les ombres du soir s’étendaient sur les seigles en fleur. Deux rangées de vieux sapins très serrés, très hauts, formaient comme deux murailles compactes, dessinant une belle allée sombre. Je franchis aisément la haie vive et m’engageai dans cette allée, glissant sur les aiguilles de sapin qui recouvraient le sol sur deux bons pouces d’épaisseur. » La description se poursuit, évoquant les odeurs, un abandon couvert d’une lumière dorée.Quand tout – c’est-à-dire rien – n’est consommé, il passe par le même lieu : « Puis ce fut la sombre allée de sapins, la haie effondrée… Dans le champ où naguère fleurissait le seigle (..) erraient maintenant des vaches et des chevaux entravés. (…) Je me sentis dégrisé (… )»D’un paysage l’autre – et c’était le même – l’amour est passé et l’ennui a repris sa place.
Référence: la Maison à Mezzanine, in Oeuvres de Tchekhov (Gallimard, Bibliothèque de la Pléïade)