Les conversations surprises dans la rue, les graffitis, un slogan publicitaire, deux lignes d’un poème, une insulte bien sentie, les deux notes d’un cri d’oiseau, une marelle sur un trottoir, une histoire drôle, c’est un détail qui peut venir éclairer une histoire, lui donner sa tonalité particulière et l’accompagner dans notre mémoire.
Cela peut même devenir le thème central de cette histoire. Ainsi, par exemple, de la chanson des Beatles « A Day in the Life » dans le livre de Jean-Dominique Bauby « le Scaphandre et le Papillon ». Il me faudrait bien plus de trois cents mots pour dire le rôle que ce livre a joué dans ma vie d’éditeur et les émotions qui continuent de s’y attacher. Comme certains s’en souviennent, Bauby avait été victime d’un accident vasculaire cérébral et était atteint du « locked in syndrom » : ses fonctions motrices paralysées, il ne communiquait que par l’œil gauche. Ainsi qu’en témoigne son livre, dicté à force de clins d’œil, son cerveau fonctionnait parfaitement, sa capacité d’observation et son humour étant même plus aigus que jamais.
Il utilise dans son avant-dernier chapitre « A Day in the Life » pour raconter cette « dernière journée » de sa vie d’homme normal. Les paroles de la chanson l’accompagnent au fil des événements banals de la vie d’un rédacteur en chef séparé de sa femme et qui s’apprête à passer son premier week-end « entre hommes » avec son fils. Le final de la chanson, ce crescendo d’orchestre qui monte jusqu’à la stridence, lui évoque « un piano qui tombe du soixantième étage » – ce piano qui lui tombe sur la tête quand il sombre dans le coma. Cette « journée dans la vie » d’un homme, nous ne l’oublierons pas.
Références: "Le Scaphandre et le Papillon", Jean-Dominique Bauby (Pocket). "A Day in the Life", The Beatles (Sergeant Pepper's Lonely Hearts Club Band).