La lire, c’est entrer dans un monde où les morts et les vivants, les hommes et les animaux, les plantes et les vents, se répondent et se mêlent. On ne peut plus parler de « métaphore » – il s’agît d’une fluidité organique, d’une porosité des divers règnes les uns aux autres. En quelques pages de Roman sans titre, par exemple, la brume a « une fraîcheur de marbre », les mots glissent « comme des couleuvres », les bombes qui tombent ressemblent à des « termites géants ». Dans Terres des Oublis, le grand livre qui l’a révélé au public français, Miên « se plaque contre [Hoan] comme un lézard dans le fissure d’un rocher » et la tristesse balaie leur visage « comme des ailes invisibles de chauves souris ». Le sexe de Bôn, impuissant, « s’est flétri comme une feuille de chou fané ». Le quartier des prostituées est encombré de maisons qui « ressemblent à un band d’escargots qui se collent en grappes sur la coquille des autres. »
Ces allers-retours finissent par créer un effet hypnotique tour à tour enchanteur et effrayant. C’est un jeu de miroirs, de transformations, qui touche à l’univers entier et ne cesse de renvoyer l’un à l’autre le passé et le présent.
Références : Duong Thu Huong, Œuvres (Bouquins/Robert Laffont)