BOUGRE, COMME TU NOUS MANQUES

14 novembre 2023

Il était le « meilleur des Bougres » et si sa chaleur humaine, sa simplicité, son humour manquent à sa famille et à ses amis intimes, sa voix d’intellectuel exigeant et modeste, dont la vaste culture ne servait ni une idéologie ni un besoin de vaine gloire manque à ceux qui ne l’ont connu que par ses livres et ses (rares) interventions médiatiques. Il n’allait jamais jeter de « petites phrases » sur les plateaux des chaînes info ; s’appuyant sur la vérité des faits autant qu’on peut les connaître, il commençait par écouter et n’aimait pas s’imposer en gueulant ou en parlant plus fort que les autres ; loin des points de vue définitifs et des certitudes méprisantes, cet historien des idées recherchait la mise en perspective et la nuance. Par ces temps troublés, ces vertus se perdent et quelque six ans après sa mort, Tzvetan Todorov nous manque plus que jamais. Follohoueurs, follohoueuses, lisez ses livres !

 

Une sélection personnelle

La Littérature en péril est un livre d’amour plus cher à mon coeur que les essais d’analyse littéraire structurale de ses débuts – ceux qui l’ont mis au programme des universités du monde entier.

Devoirs et délices, une vie de passeur. Entretiens avec Catherine Portevin : pour une fois, il a bien voulu parler de lui, retracer les principales étapes de son itinéraire personnel et intellectuel. Tout au long de ces conversations libres, on entend sa voix de « paysan du Danube ».

Mémoires du mal, tentation du bien : je l’ai rencontré à l’occasion de la publication de son grand essai sur les totalitarismes du xxe siècle.

La Conquête de l’Amérique était le seul livre de Todorov que connaissait mon ami Bertrand Houette, partenaire d’écriture avec Jean-Daniel Baltassat de notre splendide saga Incas (promo gratuite : trois volumes chez XO Éditions, réédition chez Pocket) : autant que je me souvienne, c’est le premier de ses nombreux livres où il explore ce que Levinas appelait « l’humanisme de l’autre homme ».

Face à l’extrême, inspiré par les récits de la vie dans les camps totalitaires, est un récit hanté doublé d’une interrogation morale.

Les Aventuriers de l’absolu et Le Triomphe de l’artiste, deux livres où j’ai eu le bonheur de l’accompagner, sont autant des récits de vie que des essais d’analyse.

Les Abus de la mémoire est un tout petit livre magnifique qu’à ma connaissance on ne trouve plus que d’occasion.

Lire et vivre est le recueil d’articles, préfaces et conférences à la mise au point duquel il travaillait au cours des derniers mois de sa vie. Nous avons pu en préparer l’édition avec ses enfants Léa et Sacha et l’amical soutien de son ami André Comte-Sponville qui a bien voulu le préfacer. C’est peut-être dans ces courts textes qu’on perçoit le mieux la sensibilité particulière du Bougre et l’infinie variété de ses centres d’intérêt.