En octobre 1971, l’ethnologue François Bizot était arrêté et détenu par les Khmers rouges. Accusé d’appartenir à la CIA, à deux doigts d’une exécution sommaire, il était libéré trois mois plus tard, à l’instigation de son geôlier, Douch. Arrêté en 1999, Douch a été reconnu comme le chef de la sinistre prison et centre de tortures de Tuol Sleng (S-21), au centre de Phnom Penh. Depuis qu’il le sait en vie, Bizot attend de s’asseoir en face de Douch, de l’interroger, de « démonter le réveil ». Après des années d’attente, son procès sera le premier d’un responsable du régime qui fit, selon les estimations, entre deux et trois millions de victimes en à peine plus de trois ans. Pour l’auteur du « Portail », l’enjeu de justice devrait aller au-delà de l’évocation du crime, impardonnable, et de sa condamnation, indispensable. Peut-elle être l’occasion tragique d’apprendre à ne plus nous méfier des autres, mais de nous-mêmes ?