BARBENHEIMER

13 septembre 2023

Comment voir comme de simples films, ceux que tout le monde a vus et qui dont devenus des phénomènes politiques, sociologiques dont l’impact ne se mesure plus en termes de nombres d’entrées, de chiffres du box-office ou d’étoiles dans Télérama ?

On peut être tenté de refuser de faire comme les autres. J’avais un ami si rebelle au succès populaire qu’il ne voyait jamais aucun film à la mode, se réservant pour les films coréens ou hongrois que personne ne connaissait ; de même, il ne lisait jamais un titre des meilleures ventes ou un ouvrage ayant obtenu le prix Goncourt ou le Nobel, sauf à la rigueur s’il s’agissait d’un obscur auteur ouïgour à la notoriété n’ayant jamais franchi les frontières de l’Ouïgourie.

J’ai des tendances comparables, il me faut l’avouer, et Mrs. A. doit parfois user de stratagèmes pour m’entraîner au ciné, voir le film dont on parle. Je me laisse donc faireà condition qu’il ne s’agisse pas d’une comédie romantique, genre que j’exècre en sa totalité depuis les disparitions de Capra, Lubitsch, René Clair et Billy Wilder – le plus souvent, malgré ma mauvaise foi, je suis contraint de concéder que franchement c’est pas si mal, bien, peut-être même très bien.

Oppenheimer, j’avais envie de le voir. J’ai vu presque tous les films de Christopher Nolan depuis Memento ; à part Interstellar où je me suis gravement fait tartir, j’ai apprécié le spectacle à chaque fois. Idem pour Oppenheimer, dont les quelque trois heures sont passées dans un état d’éveil intellectuel et visuel si constant que j’en ai réussi à oublier ceux de nos voisins qui se gavaient de pop-corn et de litres de Coke. Y en a qui trouvent que ça parle trop – moi ça m’a pas gêné. Y en a qui trouvent que Bob O. c’est rien qu’un gros macho mais moi chais pas, paraît que dans le livre biographique à l’origine du film, c’est bien pire. Et puis c’est hachement beau, même si c’est limite de dire que des images retravaillées des bombardements de Hiroshima et Nagasaki, c’est beau. Et puis c’est moralement ambigu, comme Oppenheimer lui-même, pas très net, ce qui est bien rare et plaisant pour un film hollywoodien. Et puis c’est hachement bien joué par tout le monde, depuis Cillian Murphy (j’avoue, j’connaissions point) à Emily Blunt en passant par Matt Damon et le toujours gigantissime Robert Downey Jr.

Et puis c’est gros son, grosse image donc franchement, tu vas pas regarder ça sur ton téléphone, tu bouges ton cul et tu vas en salle.

Je ne peux pas en dire autant pour Barbie, où j’étais attiré non par des souvenirs d’enfance (me souviens pas avoir eu de Ken, à la différence de mon pote Michel, à qui une amie de sa mère en a offert un quand il avait huit ou dix ans – près d’un demi-siècle plus tard il continue à se demande pourquoi. A-t-on offert des Barbie à ma soeur ? Possible, probable, mais je n’en ai aucun souvenir) mais par un triple goût pour les premiers films de Greta Gerwig (son remake des Quatre Filles du docteur March, je m’y étais rendu en traînant un peu les pieds, mais c’était bien, peut-être même très bien), le génie de l’acteur Will Ferrell et la présence dans la bande musicale de Closer to Fine, le tube des Indigo Girls, ce duo de folkeuses dont j’avais acheté le 33 tours au siècle dernier.

 

À part ça, le film ?
Rien à dire contre Margot Robbie qui est comme toujours épatante, ni contre Ryan Gosling, très bien gaulé comme mec et qui a le sens de l’autodérision pour jouer un Kensi grotesque qu’il en devient sympathique : il y a quelques bons gags qui arrachent un vague sourire, les décors sont marrants et c’est plutôt mignon et con de voir les groupes (familles, copines) qui débarquent au cinoche habillés en rose de la tête aux pieds. Paraît même que certains, qui d’habitude regardent des films sur leur téléphone, sont si heureux d’être dans une salle qu’ils viennent faire des selfies devant l’écran.

À part ça, le film ?
Il fait un tabac en Chine et en Arabie saoudite, il est interdit en Algérie pour sa promotion déguisée de l’homosexualité (Ken), il est déjà un des films records du box-office mondial, derrière les Avatar, le Titanique, les Jurassiques choses, les Indiana choses, un Starre Ouarre, les Avengères et un des Spiderrremanne, mais quand même…

 

À part ça, le film ?
Paraît qu’il est féministe. Moi chais pas, chuis mal placé pour juger de ce quoi est féministe ou pas. Ça m’a plutôt semblé du féminisme « made in Mattel », assez peu audacieux et qui fait vendre plus de poupées que d’essais signés Beauvoir, Despentes, Sontag ou Greer.

 

À part ça, le film ?
Deux heures seulement (même pas : 1 h 55), beaucoup de pop-corn, beaucoup de Coke, du rose plein l’écran…

À part ça, le film ?