Au-dessus des échelles de Miro passent, au fil des tableaux, une chèvre, des oiseaux, des étoiles, des soleils et des lunes. Dans cet objet du quotidien paysan, il a trouvé un outil pour monter vers le ciel, jusqu’à ce Bleu de rêve qui inonde les trois célèbres compositions du même nom.
Il fut le premier peintre que j’aimai – plus que les grands maîtres du passé, plus que Picasso ou Dali, que mon grand-père maternel avait côtoyé dans ses années surréalistes. Miro me semblait à ma portée – non que j’aie jamais nourri l’illusion de pouvoir en faire autant car, un crayon HB ou un pinceau à la main, je me découvrais démuni, malhabile, impuissant – mais son univers était à ma portée d’enfant, avec ses ballons multicolores, ses formes liquides, ces arrangements de lignes qui librement délimitaient des visages, ses cornes flottantes, ses pieds isolés, ses sourires, ses mots glissant au ras de tâches couleurs de rêve.
Parfois aussi touchantes que les oeuvres elles-mêmes, sont les photos ou les documents vidéo présentés dans la rétrospective qui vient de fermer ses portes : à mille lieues de sa réputation de peintre abstrait intellectuel, on y voit le peintre dans son atelier : visage, mains, allure de paysan dans son champ, enfant rieur et facétieux, intenable, irréductible et qui, étant parvenu sans effort apparent jusqu’au dernier barreau de l’échelle qui grimpe de la terre au ciel, contemple sourire aux lèvres le monde en sa beauté et son étrangeté, avec ses anges et ses monstres.