WHAT IS LIFE ?

8 avril 2013

Life is what’s happening to you while you’re busy making other plans, chantait John Lennon. On ne saurait mieux dire, sinon pour ajouter que la mort également – en quoi l’on voit, une fois de plus, qu’elle est bien une partie de notre vie, à défaut d’être celle que nous préférons.

 

Le 28 juin 2012, je me préparais à notre migration familiale estivale américaine en relisant des articles retenus par mon ami et frère Thierry Cruvellier pour notre anthologie du magazine writing américain intitulée « le roman vrai de l’Amérique», lorsque je me suis allongé pour une sieste. J’étais fatigué par une année difficile, et contrarié par une lettre qui m’avait fait « bouillir le sang » une partie de la nuit. Je ne sais pas ce qui se serait passé si mon fils Ulysse n’avait pas décrété que l’école était finie et ne m’avait pas trouvé allongé par terre, incapable de me relever et de répondre à ses questions (je les entendais et dans ma tête je lui disais que tout allait bien, j’allais pisser, dormir encore un peu). Ulysse a appelé ma femme et son grand frère Alexandre a appelé les pompiers.

 

Je me souviens de la grande silhouette du pompier sur les bottes de qui je dégueulais et qui répétait « c’est pas grave, Monsieur, c’est pas grave. » Pas si grave, en effet ; comme les examens le révélèrent plus tard, ma carotide droite s’était disséquée et un caillot était monté au cerveau. Un AVC, comme on dit maintenant – j’aimais bien ce mot ancien d’attaque, dont l’image guerrière correspond pas mal à ce que le cerveau subit.

 

Je ne suis pas mort –sinon je le saurais, n’est-ce pas ?- et après un long voyage estival (ma mère, dans sa neuro-dégénération croit toujours que je suis en voyage pour mon travail) dans les hôpitaux Lariboisière et Fernand Widal, je suis depuis quelques mois de retour chez moi ; j’ai même fièrement rendu mon fauteuil roulant payé par la Sécu (je ne compte plus le nombre de fois où j’ai dit merci au système français : j’ai même pleuré en regardant un relevé des dépenses payées pour mon compte par l’Assurance Maladie), je chronomètre mon tour du pâté de maisons (dernier temps enregistré : 20 minutes) et je me bats avec ma main gauche encore récalcitrante. Et une orthophoniste m’initie patiemment aux mystères de la phonation.

 

Après avoir fermement décidé que je n’écrirais pas de livre là-dessus (ou peut-être un roman, un jour !), en ce moment je prends des notes sur un cahier qui évoquent tout ça. Who knows, a book sometimes may be what’s happening while you’re busy making other plans. S’il en devient un, j’aimerais qu’il contienne et exprime une parcelle de l’amour que je ressens pour « les miens » (paraphrasant Jollien, je pourrais écrire : « les miens ne sont pas à moi, et c’est pour cette raison qu’ils sont les miens. »)- femme, mamans, enfants, amis…, qui m’ont entouré avec tellement de constance et ont réchauffé mon corps gelé et m’ont donné force et envie de vivre ; grâce à eux et à une certaine force qui se trouvait en moi, je sais que j’ai quelques autres livre à écrire, même s’ils ne seront sûrement pas ceux que j’ai prévus- qui serais-je pour savoir ce qui s’écrit en moi actuellement, et par un long, un invisible trajet, parviendra au bout de ma main.

 

Je suis heureux à l’idée que ma chanson de geste des Jartés, qui paraîtra en octobre, ne sera pas mon dernier livre, ce n’est pas un plan mais une pulsation en moi, un souffle, qui me le disent. Et plus immédiatement, je suis heureux de pouvoir aller voir mes deux jeunes fils jouer leurs premiers matches de baseball de la saison – et leur grand-frère dans une production amateur des Misérables version musicale « les Miz »… Autre grandiose projet : acheter des cubes pour y jouer avec mon petit-fils Augustin, un an et demi.

 

Quelques jours avant mon AVC, je me suis baigné dans la Méditerranée ; il m’a fallu attendre près d’un an avant d’avoir à nouveau le droit de flotter. Maintenant, je continue…