AU BONHEUR DES PETITS SAINTS

10 avril 2013

 

Lisant la presse française sur mon ordinateur ou mon app android, je découvre les échos de la polémique autour du livre de M. Mérot, dont l’humble titre (Toute la noirceur du monde) est tout un programme et une promesse imprudente à laquelle un Dostoïevski ne se fût pas laissé aller, sans doute à cause de son légendaire optimisme sur la nature humaine.

 

Il est difficile de savoir si l’ouvrage sera le bénéficiaire ou la victime de cette promotion que son auteur n’avait sans doute pas réclamée – ni si, dans un cas comme dans l’autre, il y aura lieu de le regretter. On nous dit que cette « noirceur » était l’un des derniers coups de cœur de l’écrivain-éditeur disparu Jean-Marc Roberts, au même titre que le livre de Mlle Iacoub. Voici  « le favori » des romans maudits de cette rentrée, qu’une troupe bienveillante et toujours alerte ne manquera pas de « litteliser » sans modération. Maudira bien qui maudit le premier !

 

De façon un peu espiègle, j’aurais volontiers demandé à Jean-Marc si son choix de La Belle n’était pas plus du côté du « coup » que du « cœur ». M. Mérot éprouve le besoin de nous apporter une précision dont nous ne doutions d’ailleurs pas : le regretté JMR, nous dit-il, avait « tous ses moyens » lorsqu’il a accepté son livre. A chacun, maintenant d’échanger des horions au-dessus de la dépouille du cher disparu. M. Carcassonne, longtemps soutier chez Grasset et maintenant capitaine de Stock, nous parle de sa haute conception de la littérature (il nous semble l’avoir connu moins regardant) tandis que la divine (pas d’ironie : elle n’est pas aimée pour rien par ses auteurs et collaborateurs) Teresa Cremisi évoque le respect dû à la mémoire des morts. C’est un concours de morale qui aura peut-être son efficacité commerciale mais qui retarde, pour moi, le moment d’ouvrir ce livre que j’achèterai néanmoins, si j’ose dire, comme tout le monde, en rentrant à Paris (Corinne, si tu me lis, tu m’en mets un de côté s’il te plaît !) (M. Sollers, grand pourfendeur des bien-pensants et ami professionnel des maudits, car lui-même auto-maudit depuis des décennies, a bien son Ophélie libraire; pour moi, c’est Corinne.)

 

Que les éditeurs aient pour but de vendre c’est heureux, car c’est justement ce qu’on leur demande, nous, écrivains, mais on me permettra de penser que certains moyens sont plus sympathiques que d’autres et que les solos des donneurs de leçons et autres « petits saints », toujours à l’œuvre dans cette partition, ont des sonorités peu plaisantes qui me donneraient presque envie d’écrire une « journée » de plus à ma geste des Jartés, ou à défaut une mince suite : le bonheur des Petits saints. Mais comme il y a des livres qu’on  lira ou pas, il y aussi, tout aussi heureusement, des livres qu’on écrira — -ou pas. Dans ce dernier cas, je penche pour le « ou pas ».

 

Laissons les maudits et leurs amis et ennemis (imaginaires, le plus souvent : les meilleurs) jouer leur symphonie déconcertante; on verra bien à la fin si les tiroirs caisses sonnent !