THE GOOD GUYS AND THE BAD GUYS

28 novembre 2022

De nombreux films (de cow-boys, entre autres) vus à la télé dans l’enfance nous ont enseigné que dans la vie il y avait les bons (nous) et les méchants (les autres). Que les choses soient en réalité un peu plus compliquées est une découverte parfois douloureuse. Et pour nous accompagner, certains films, certaines séries nous entraînent vers cette zone grise de nos propres ambiguïtés.
Ces réflexions (et quelques autres) m’accompagnent alors que je débute le deuil d’une de mes séries favorites de ces dernières années : Better Call Saul.

À la différence du personnage central de Breaking Bad, la série dont Saul est dérivée, Jimmy McGill/Saul Goodman est aussi immonde qu’attachant. Pendant deux saisons complètes (ou presque), nous voulons croire qu’il s’agit d’un « bon gars » maltraité par son grand frère et qui se démène pour s’en sortir avec les moyens du bord. Certes son code moral est au-delà de l’élastique, mais il est drôle, fragile et déploie l’aisance d’un Arsène Lupin moderne à se tirer de tous les mauvais cas où il se met. De plus, Kim, son amoureuse, est dotée des plus charmants mollets de toutes les séries ; pour compléter le tableau, l’associé de son frère est un blond aux yeux bleus parfaitement détestable et le frère lui-même, génie du droit certes, est non seulement un malade mental ultra-zarbi, mais un psychorigide n’ayant aucune reconnaissance pour ce pauvre Jimmy qui se démène pour lui.

Avec les saisons, notre sentiment se nuance d’un trouble croissant, car Jimmy se révèle une espèce de salopard sans foi ni loi tandis que sa chérie, hors ses délectables mollets, nous dévoile un côté décidément pas net : le grand blond qu’on voudrait croire une espèce de nazi n’est après tout pas si salaud que ça, et les blagues montées par Jimmy et Kim, que nous trouvions bien rigolotes au début, nous apparaissent sous un jour plus sinistre.

Plus Jimmy trempe dans le crime et les coups tordus, plus il nous offre un miroir moral, car il a beau nous révolter à bien des moments, nous sommes de son côté envers et contre tout – oui, presque. Même si nous comprenons Kim (spoiler alert : si vous n’avez pas vu la série, ne lisez pas ce qui suit) de le quitter, nous lui en voulons un peu, tout en constatant que, pour une fois, le personnage féminin est aussi central que le protagoniste masculin – enfermée dans d’impossibles contradictions, tricheuse et courageuse, tordue et généreuse, au coeur de ce Crime et châtiment moderne, la dimension religieuse en moins, elle est celle qui ne lâche rien et que nous admirons, plus que le Slippin’ Jimmy qui dort en nous. Sachant qu’il n’y a pas de good guys dans cette série, à une ou deux exceptions près (Manuel, le père d’Ignacio « Nacho » Varga), dans cette collection de criminels, nous distinguons entre ceux que nous adorons détester parce qu’ils sont trop méchants (Lalo et Hector Salamanca) et ceux à qui nous passons tout en dépit de leurs crimes (Nacho, Gustavo Fring le « Pollero » dealer, Mike le tueur au coeur tendre qui entre deux « contrats » emmène sa petite fille faire de la balançoire).

P.-S. Il faudrait pour écrire une véritable histoire du mollet féminin au cinéma faire des recherches que je n’ai pas le courage d’entreprendre. Quelques souvenirs émouvants : Ann Bancroft dans Le Lauréat, Katharine Ross dans Butch Cassidy et le Kid, Rita Hayworth dans Gilda, Marilyn Monroeen général ; Monica Vitti dans Le Cri et La Nuit (L’Avventura,non merci), Jeanne Moreau dans La Nuit, Jules et Jim et Ascenseur pour l’échafaud ; Jeanne Moreau et Brigitte Bardotdans Viva Maria !, Maggie Cheung dans In the Mood for Love. Je m’arrête là, chacun sa liste personnelle et côté hommes, il y a sûrement des amateurs/trices mais c’est moins mon truc.

Référence

Better Call Saul, six saisons sur Netflix. Pour Breaking Bad (les deux séries se « croisent » dans les saisons 5 et 6de Saul), je reconnais que le pilote (épisode 1, saison 1) est absolument génial, mais j’ai craqué au bout de deux saisons : vivre dans la tête de « M. White », c’est horrible et son acolyte Jesse Pinkman est vraiment trop dégueulasse à mon goût.