En voyant cette publicité pour un matelas, j’ai saisi avec trop de facilité l’occasion de me livrer à ce classique exercice de haine du présent auxquels les écrivains de toutes les époques semblent ne pouvoir échapper, de temps à autre – et pourquoi pas ? à condition qu’il ne finisse pas par les étouffer.
« Renaître chaque matin ! » – voici bien la promesse menteuse d’une époque sans passé ni avenir, ce « jour sans fin » où la mémoire n’existe pas, les traditions sont niées, cet éloge d’Alzheimer qu’on nous vend sous couvert de vibrante modernité… (Je pourrais continuer longtemps…)
Avant de me quitter tout à fait, mes invectives se sont infléchies : j’avais dans le viseur ces gourous de la perpétuelle renaissance, qui proposent à l’homme un rendez-vous permanent avec lui-même, un quotidien javélisé, « premier jour du reste de ta vie » – et autres conneries sanctificatrices d’optimisme.
Puis, lassé de ma propre jérémiade, je me suis pris à sourire : en coupant le « re », ce « naître chaque matin » m’apparaissait libre de toute vilaine intention – vidé de tout futur – riche seulement de l’expression de cette ancienne vie que, selon Bizot, les hommes préhistoriques menèrent, tout en survie, tout en instincts, en animalité, avec des outils dont les fonctionnalités ne comprenaient aucun « demain », aucun projet, et pour seule perspective celle de tenir jusqu’au soir. Cet homme et cette femme nus étaient certes un peu trop propres mais après tout, nous avions vécu (si l’on ose dire) dans la même cave.
Le métro avait quitté la station depuis longtemps avant que je me rende compte avoir plongé dans une vague rêverie. C’était juste une publicité pour un matelas, avec un slogan qu’on pouvait décliner : quid de « Revivre chaque soir » ?