L’écrivain face à ses critiques est un peu comme la méchante reine de Blanche Neige : « Miroir, dis-moi que je suis la belle ! »
Quand le miroir lui dit ce qu’elle veut entendre, tout va bien. S’il ose lui dire qu’elle est moche – ou alors pas mal mais tout de même avec des défauts – là, c’est la crise.
Je suis contraint d’avouer que je ne fais pas exception à la règle. J’en reçois un cruel et salutaire rappel grâce à un ami bienveillant qui a pris le soin et le temps de ressortir des archives quelques-uns des articles consacrés à ce que mon père appelait avec tendresse « mes petites couillonnades ».
Treize livres en un peu plus de quarante ans, on ne peut pas dire que c’est de la surproduction chronique.
A parcourir ces documents, je retrouve les mêmes plaisirs et les mêmes colères – ces dernières à peine atténuées par le filtre du temps. Je lis aussi avec intérêt les reproches amicaux adressés à mes deux premiers livres (1977 et 1979, ça ne nous rajeunit pas). Le premier est apprécié par son lecteur qui note que, encouragé par mon éditeur, j’aurais pu raturer quelques passages. Pour le deuxième, un autre lecteur note qu’amoureux de mon style j’ai peut-être oublié de raconter une histoire. Je me souviens que j’étais embarrassé de devoir avouer à une lectrice libanaise que « le Voyage au Liban » ne traitait en rien de son pays mais d’un personnage qui n’y part jamais. De cela, j’étais à l’époque assez fier. Je ne me rendais pas compte que l’émotion amoureuse et la passion de la littérature ne suffisaient pas à produire un bon livre. Allons : je n’en ai pas honte aujourd’hui mais je dois simplement vivre avec cette version de moi-même, l’accepter avec tendresse et un peu d’ironie, réservant le critique en moi au manuscrit tout juste achevé – avant publication car après, n’en déplaise à mon cher Bizot, c’est imprimé et – bien ou mal – c’est ainsi.
En conclusion cette phrase entendue dans la bouche d’un confrère (je ne sais plus qui). « Maintenant, assez parlé de moi. Vous avez lu mon dernier livre ? »