Madame la Présidente,
Je vous fais cette bafouille que vous lirez sans doute pas, vu que :
1 – Je la poste sur mon slog, auquel vous n’êtes peut-être pas abonnée.
2 – Vous avez des milliards de trucs à faire.
3 – Je voulais poster une lettre à Mme Couillard au moins une fois dans ma vie et c’est pas votre nom, donc ça risque de pas arriver par la poste qui, d’ailleurs, marche plus comme dans le temps.
Alors voilà, Madame la Présidente, après ce bref préambule qui vous aura (au moins) arraché un sourire crispé, j’te raconte l’affaire, sans plus digresser :
Hier j’ai pris le métro. Vous me direz, si chaque personne qui emprunte le métro à Paris m’écrit pour me raconter son trajet, alors que j’ai le Covid à gérer, les incivilités, la fraude, les travaux urgents, les syndicats, l’arrivée des J.O., on va pas s’en sortir.
Pour vous situer le bonhomme, je suis un PMR[1] (invalidité de niveau 2 – pas un UFR[2] car j’ai lâché le fauteuil roulant il y a quelque temps, à la différence de mon Fred qui, lui, y aura droit jusqu’à la fin de ses jours. Donc je marche – pas bien, pas vite, mais je marche et j’accomplis mon fantasme hospitalier (n’aie pas peur, c’est pas sexuel) de 2012 : je prends le métro. Pas que j’aime pas le bus (j’adore !) mais faut pas être pressé – ou le tram (épatant mais y en a pas près de chez moi) – et puis les taxis c’est cher – et putain que ça roule mal dans notre belle ville ! Hier, devant me rendre à un rendez-vous près de la BNF, j’ai pris le métro par la ligne 7 à la station Louis Blanc. Deux volées d’escaliers mais avec la rambarde ça va, en y allant doucement, pas de clodo assis sur les marches ni de jeunes textotant pile au milieu. 7 bien chargée, quoiqu’on soit en milieu de journée, mais je trouve un strapontin peinard – j’aime pas geindre pour réveiller les sourds-aveugles (surtout les mecs, vous avez remarqué !) assis plongés dans leur dossier ou leur vidéo, et j’ai renoncé à l’idée de me balader avec une copie plastifiée de ma carte d’invalidité autour du cou. Changement à Pyramides. Je vais au bout du quai et je vois un escalier. Miracle : à côté de l’escalier une porte vitrée donnant sur une cage qui n’a pas l’air d’être une cellule de dégrisement pour clodo bourré, ni un studio d’enregistrement pour un musicien de génie ou un trou noir de la CIA pour des tortures, un ascenseur plutôt – je suis déjà passé là il y a six mois et il n’y avait pas d’ascenseur derrière la porte. Il n’y en a toujours pas. J’ai pas l’intention de me retrouver comme Bruce Willis dans Die-Hard, donc j’ai pas essayé d’ouvrir la porte pour voir ce qui se passait.
Je monte donc l’escalier (montée symétrique ; attends j’t’esplique: une marche un pas ; en descente c’est asymétrique, j’t’esplique encore : une marche, un pied, un deuxième pied ; est-ce que ça va vite ? non). Après des escaliers en montée, encore des escaliers en descente ce coup-là (z’auraient pas pu faire un plat ?) pour arriver sur le quai de la 14, direction Olympiades. It is définitivement my lucky day : 1 mn d’attente, arrivée du train, fanfare, une dame se pousse pour me faire de ma place sur une banquette, comme j’aime, à droite, là où c’est plus facile de se lever sans te cogner à tout le monde au moment de sortir.
Arrivée BNF. Mon plan Gougle (quoique senior j’essaie d’être moderne, tu vois, je parle à Gougle[3]) me dit d’emprunter la sortie rue René Goscinny (marrant, c’était le meilleur pote de notre pédiatre Julien Cohen Solal – et je suis content que mes enfants aussi aiment Le Petit Nicolas – mais je digresse, au fait !). Escaliers, escaliers. En vrai il y a bien des escalators et des ascenseurs mais c’est sur l’autre sortie (avenue de France) ; au retour c’était plus simple car, coaché par ma vieille wonderful camarade Lydia LaKing j’étais au jus – en plus elle m’a accompagné jusqu’au quai pour être sûre que je me perdais pas. En changeant à Pyramides, juste quand j’avais dans le viseur la cage d’ascenseur où y a pas d’ascenseur, une dame m’a arrêté dans mon élan. Elle était très aimable, je te rassure, d’autant que j’ai pas mis trois plombes à retrouver ma carte Navigo Easy ( je sais pas si c’est toi, Delphine[4], mais très bonne initiative ça, j’adore !) prouvant que je faisais pas partie du gang des invalides fraudeurs. Re-strapontin, vu que la 7 commençait à se remplir. Je suis[5] descendu à Château Landon (je te dis tout, on habite à équidistance entre Louis Blanc et Château Landon, et il y a un des points de vue familiaux très tranchés sur quelle station on préfère. Là, j’ai choisi Château Landon, pas parce que c’est l’ancienne adresse de M. Mélenchon qui, comme moi, avait ses habitudes chez ce vieux réac rital de Giacomo, mais parce qu’après un escalier et un couloir, il y a deux escalators (ouais, quand ils sont pas en panne ou en réfection parce que là c’est galère et on se souvient en montant que la station Louis Blanc est moins en profondeur). Bref, ça marchait et je te rassure car là, je te sens inquiète : je m’en suis sorti. Il m’a fallu le reste de l’après-midi (avec binge watching de Platane) pour m’en remettre et aujourd’hui encore je suis cané, mais ça va.
Si tu m’a pas lâché depuis le deuxième ligne j’t’esplique encore : tu te souviens qu’en 2005 il y a eu une loi votée à l’unanimité sur l’accessibilité aux handicapés. On va pas faire des manifs devant la station Invalides (where else ?) avec mon Fred et mes autres potes UFR, PMR ou autres mais j’t’esplique encore, Madame la présidente : à part la 14, tu en es à 3% de stations de métro parisien en accessibilité, et il te reste du taf – la loi te donnait dix ans et ça fait quinze…
Bisous bisous
Ton tonio qui t’aime
Ps. 1000 escuses pour la fôte à ton nom mais j’ai vraiment cru que tu t’appelais Couillard, mais dans ce cas-là ton prénom aurait été Delphine, pas Catherine. De toute façon jamais ils auraient nommé une Couillard à la tête de la Rateupeuh – surtout après une « Borne », tu as raison Gouillard, c’est ce que c’est mais tu vis avec depuis la maternelle et ils t’ont même prise à l’ENA avec un blase comme ça, alors comme ils disent à la MTA, tes cousins new yorkais : hang tough, baby ! A part ça, ma Cathounette jolie, je suis hyper-sérieux !
[1] Personne à mobilité réduite
[2] Utilisateur de fauteuil roulant
[3] J’ai vu, tu as une belle appli Rateupeuh mais je crois pas qu’on lui parle et qu’elle réponde….
[4] Pas Delphine, patate, Catherine !
[5] Promo gratuite : chez Giacomo, 8 rue du Château Landon, ouvert tous les jours sauf quand c’est fermé. Prix à débattre avec Giacomo avant de manger. Ne pas essayer les lasagnes, même sous la menace.