Il n’a pas de page Wikipédia mais c’est un sacré quelqu’un qui vient de passer l’arme à gauche : né il y a 61 ans comme une blague en retard, un lendemain de 1er avril, il a tiré sa révérence en plein coeur d’été à Paris – quand les potes sont absents – cassé par un vilain crabe qui lui rodait autour depuis un bout de temps.
Tous les matins de l’année scolaire 1966-67 et la suivante nous nous retrouvions dans l’autobus 43 qui nous déposait près du lycée Pasteur. L’âge des mobylettes ne nous sépara pas. Dans notre bande d’adolescents, bourgeois rebelles fils de parents qui ne l’étaient pas (bourgeois ou rebelles) il était le plus fin, le plus brillant, le plus drôle, le plus à l’aise dans toutes les situations. Pratiquant sans réserve le « no sport » churchillien, ennemi radical de l’esprit de sérieux, il vivait tout comme un jeu auquel il invitait camarades et passants à participer. La vie qui a suivi n’a sûrement pas été celle qu’il avait voulu, d’un point de vue personnel ou professionnel, mais elle n’a pas pour autant été un « bien perdu ». Son engagement au sein d’un groupement d’associations d’aide aux jeunes adolescents des rues à Paris et en proche banlieue, (GRAJAR) a été intense et constant sur de nombreuses années. Sacré quelqu’un que notre ami parti : Stéphane Kouzmine Karavaieff (1956-2017).
Ci-après en guise d’envoi un poème tiré de mon impuissance à distance et de ma peine.
HIER MATIN
Pour Stéphane
Hier matin nous avions quatorze ans
Et là, mon vieux, te voilà tout mourant
De tout nous avions appétit
Du monde une féroce, une insatiable envie
Tu ne souffres pas, on me dit,
A l’heure où tranquille te quitte la vie.
Des faims, des soifs te voici bien guéri
Des frustrations aussi de tout ce qui n’advint pas
Mon tour bien assez tôt viendra
Mais là, d’un jour à l’autre, c’est toi qui t’en vas.
Ne pouvant pas – pauvre con, salaud, tu es loin! – te serrer dans mes bras
Je pleure et je ris à la pensée de toi.
Hier matin nous avions quatorze ans