En cet été de début de campagne présidentielle américaine, force est de constater que la figure dominante – autour de laquelle tous se pressent – est celle du milliardaire Donald Trump, candidat à la nomination républicaine qui, s’il échoue, a la fortune suffisante pour financer lui-même sa campagne en indépendant.
M. Trump est-il un symbole de la réussite américaine ou bien un clown surfait, à la popularité dopée par ses apparitions dans les reality shows? Méfiance avant de conclure, car avant d’être élu il n’est pas sûr que Reagan, éternel comédien de second plan, ait été pris beaucoup plus au sérieux.
A défaut de gravitas politique, Trump fournit à l’Amérique ce qu’elle adore : le sens du show, avec une totale absence de complexes, avec une fourniture à la chaîne de « petites phrases » parfaites (ça tweete and ça retweete !).
S’étant mis à dos l’establishment républicain traditionnel, et même le murdochien New York Post, avec des remarques déplacées (et surtout stupides : un héros ne se fait pas capturer.) sur l’héroïsme de guerre de John McCain, dont on peut contester les idées mais pas le courage physique et moral (prisonnier des Nord-Vietnamiens il a refusé d’être libéré avant ses autres camarades détenus), il a vu sa popularité continuer de monter. Il ramasse, comme savait le faire Le Pen en son temps, une sorte de considération terrifiée et admirative pour celui qui « ose dire les choses » : que les immigrants mexicains sont des voleurs et des violeurs – et les politiciens de Washington des dangers pour le peuple.
Sa cote publique n’a pas baissé après le premier débat des candidats républicains où, mécontent des questions de la modératrice de Fox News il s’en est après coup pris à elle avec des propos nettement misogynes – au point d’être « désinvité » de la grand-messe conservatrice du week-end suivant, dont il était la vedette annoncée. Le journal britannique The Guardian, relevant la grammaire « ribérienne » de sa rhétorique, l’a justement appelé « absurde, incohérent et dominant ».
Les démocrates se réjouissent en silence, espérant sans vraiment y croire, avoir ce clown en face de leur candidate probable, Hillary Clinton, elle-même en proie à la polémique après qu’il a été révélé que, secrétaire d’Etat, elle utilisait un mail privé pour ses correspondances de toutes natures, partageant, sans souci des barrières de sécurité informatique, des contenus sensibles (voire classés confidentiels) avec ses correspondants.
Les républicains « raisonnables » attendent avec confiance sa chute : le pari semble sûr, car il est possible que les Américains, même conservateurs, se lassent de son show. D’autre part il ne faut pas sous-estimer un sentiment trans-politique « ni Bush (le petit frère Jeb est en tête des candidats républicains normaux), ni Clinton » assez puissant. Le plus probable reste sa marginalisation et son retrait, peut-être en échange d’un poste dans la future administration – nous sommes au pays du business. En attendant, les derniers sondages (20 août) le montrent toujours en tête des républicains et, d’entre eux, celui qui aurait le moins de retard sur Hillary.
Le succès de Trump, même provisoire, est une mauvaise nouvelle pour la campagne, la démocratie et pour le monde, car il annonce au minimum une course à la démagogie, aux solutions « à l’emporte-pièce » – au pire une sorte d’hyper sarkozysme sans contenu ni réflexion – où l’énervement et la grossièreté passent pour de l’énergie, un activisme verbal tout juste bon à alimenter les « soundbites et « contre-soundbites » circulant sur le web. On peut toujours se consoler en pensant qu’une de ses mesures phare (construire un mur le long de la frontière mexicaine pour bloquer l’immigration) est de toute façon déjà LA mesure mondialement à la mode pour juguler les angoisses face à l’insoutenable proximité des barbares.